4.9 - L’erreur des pieds-noirs : "le drapeau avant la terre" de Pierre Courbis Avocat à Cannes

XII - 50 ans après - Témoignages

C’est vrai que le 13 mai 1958 a représenté pour le petit peuple pieds noir d’Algérie un immense espoir de rester sur sa terre natale en vivant en bonne intelligence avec la communauté musulmane.

Il fut à la fois une immense révolte pacifique contre les atermoiements de la France et de la IVème République qu’il fit tomber et en même temps un immense souhait de fraternisation et de plus d’égalité entre tous les habitants d’Algérie.

Mais cette immense révolte pacifique comportait en elle-même une contradiction qui allait causer la perte du peuple Pieds-Noirs et de son destin africain.

Car pourquoi les Pieds-Noirs, alors qu’ils se méfiaient déjà depuis longtemps des gouvernements français, n’ont-ils trouvé de solution à leur immense espoir que dans un nouveau recours à la France et à celui qui apparaissait alors comme le sauveur de la France ? Certes, les réseaux gaullistes agissaient habilement dans l’ombre pour faire crier au général Salan le « Vive De Gaulle ! » qui fit basculer la foule, amis surtout, notre peuple Pieds-Noirs et ses leaders n’avaient pas acquis cette maturité, cette conscience politique capable de transformer une révolte en révolution.

Car la révolution en 1958, ce n’était pas de faire tomber un gouvernement et même une république française pour les remplacer par un autre gouvernement et une autre république, c’eut été de comprendre que les intérêts de la communauté Pieds-Noirs se dissociaient dorénavant des intérêts de la France et que le destin des Pieds-Noirs se séparait dorénavant du destin de la France.

Face à une France hésitante, frileuse, désireuse de plus en plus de se replier sur elle-même et de faire passer « la Corrèze avant le Zambèze », les élites et les leaders Pieds-Noirs de l’époque eurent dû comprendre qu’après 130 ans de présence sur cette terre africaine notre communauté était plus algérienne que française et que dès lors il fallait agir en conséquence.

- Agir en conséquence, c’eut été de ne plus s’arcbouter sur une Algérie française dont ni la France ni les Français ne voulaient plus.

- Agir en conséquence, c’eut été pour couper l’herbe aux extrémistes algériens partisans d’une épuration ethnique et d’un parti unique, de prôner avec les musulmans modérés, et ils étaient les plus nombreux, une Algérie souveraine, mais plurielle, multicommunautaire, démocratique, pluripartiste, respectueuses de toutes les communautés même minoritaires et associées à la France.

Des voix Pieds-Noirs s’élevèrent dans ce sens il y a cinquante ans, mais elles furent très minoritaires et incomprises.

Nos compatriotes restèrent très majoritairement obnubilés et attachés coûte que coûte au drapeau bleu-blanc-rouge alors même que la France et les Français ne voulaient plus entendre parler ni de l’Algérie, ni des Algériens, ni des Pieds-Noirs. Dès 1962, le constat était amer pour nous ; il l’est encore plus quelques décennies après.

En choisissant le drapeau avant la terre, notre communauté a tout perdu et elle n’a rien gagné.

Elle a perdu sa terre, ses racines, son destin africain, et ses nouvelles générations n’ont plus le repère de la terre. Elle n’a gagné ni l’estime ni la considération de la France et des Français, au contraire.

Que faire pour qu’elle retrouve un destin d’avenir ?

Pierre COURBIS Avocat à Cannes

dans « Pieds-Noirs d’hier et d’aujourd’hui » n° 165 – juillet/août 2008 – page 7

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