9.2 - Liste des JUSTES parmis les civils de l'Algérie Française

VII - Après le 19 mars le mensonge d'Evian - Les justes de l'Algérie Française 

1 - Témoignage de Geneviève de TERNANT

 

 

 

1 - Témoignage de Geneviève de TERNANT

Sauvetage

Lorsque la fin de l’Algérie Française devint une réalité aussi absurde qu’inéluctable, mon beau-père, Monsieur André VINCENT, attaché de préfecture à Oran et nommé préfet de Tlemcen fut chargé d’ouvrir un consulat de France avec Mademoiselle Cruck, à Oran.

Avant de quitter la préfecture, il prit plusieurs cartes d’identité vierges, prévoyant qu’il aurait à sauver quelques vies... Il n’avait pas pensé au problème qui allait se poser.

Au moment de l’indépendance du Maroc, en 1956, certaines populations juives de la vallée du Draa dans le sud marocain se trouvèrent menacées par des groupes musulmans fanatisés, échappant à l’autorité du Roi. Il n’y a pas de frontières réelles dans le grand sud et le Sahara est continu de part et d’autre d’une frontière fictive.

Ces populations qui vivaient dans cette vallée sans doute depuis la fuite d’Egypte ne possédaient aucun papier d’identité. Elles empruntèrent le chemin des confins algériens et, prises en charge par la communauté juive de Tlemcen, elles se fondirent dans cette communauté, toujours sans aucun papier d’identité. Les hommes portaient encore le costume traditionnel des juifs du bled d’avant la conquête et les femmes le châle et la perruque de coton. Ils durent s’habituer à la modernité.

Les juifs de Tlemcen suivirent les Européens dans l’exode de juin 1962 mais il n’était pas possible d’embarquer sur les navires pour la France sans carte d’identité. Qu’allait-on faire de ces gens sans papier ?

Le rabbin vint trouver André Vincent au consulat et lui exposa le problème. Ce Juste allait trouver la solution fort peu orthodoxe, en vérité. Il établit avec les cartes vierges dérobées des cartes d’identité valables 15 jours. C’est moi qui fus chargée d’imiter la signature du préfet qui avait quitté Oran. Je m’en acquittais du mieux possible. J’en avais déjà pris l’habitude en falsifiant des cartes pour les combattants OAS d’Oran.

C’est ainsi que, mêlés à leurs coreligionnaires en partance, les juifs après avoir fui le Maroc se retrouvèrent à Marseille : Personne à l’embarquement, ne s’était aperçu que leurs papiers portaient une date de péremption bizarre ! J’ignore comment ils obtinrent par la suite des papiers d’identité normaux ou si, étant donné leur âge, ils se fondirent tranquillement dans la société marseillaise pour y couler leurs derniers jours en paix, sans papier...

Je n’ai jamais conté cette histoire qu’à mes enfants mais je crois qu’il est normal, aujourd’hui, de faire connaître la manière dont des hommes de bonne volonté permirent de sauver des gens que la barbarie des nouveaux maîtres de l’Algérie menaçait.

                                      

Geneviève de Ternant - 4 février 2016

 

vallee draa
Ksour vallée du Draa

 

consulat France
Consulat de France à Oran (ex lycee Pasteur)

 

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