3.2 - Colonel Jean-Pierre Richarte

VI - Les témoignages - Bâb el Oued - Les militaires

Francine Dessaigne « Entretien avec le colonel Jean-Pierre RICHARTE » (publié 1994)

« Nous étions en réserve générale. Les ordres n’arrivaient pas jusqu’à moi. Ils s’arrêtaient au niveau du commandant d’unité, le capitaine DUCRETTET. Moi, je ne faisais qu’obéir à ses ordres et on ne me disait pas tout puisque je n’étais qu’un modeste chef  de section. Quelques jours avant la manifestation, nous étions sur le terrain et nous avons été rappelés, en plein début d’opération pour être dirigés sur Alger. Nous étions en opération de ratissage et, en pleine nuit, à 1 heure ou 2heures du matin, on nous a dit : "arrêtez tout, nous allons sur Alger ». J’ai dit à mes tirailleurs : « Allez dans les camions en vitesse ! ». Et on est parti.

Nous avons atterri d’abord à Maison Carrée où nous avons fait du maintien de l’ordre  et ça s’est bien passé. Ensuite on nous a envoyé à Bâb el Oued, à Climat de France, participer au blocus du quartier. Les Pieds-noirs qui étaient dedans n’avaient pas le droit de sortir, même pour acheter à manger …. (Étreint par l’émotion, en larmes, il a du mal à poursuivre). Vous vous rendez compte ! J’étais là, j’étais un militaire, je les comprenais, on les empêchait de sortir, de se ravitailler, on les empêchait même d’aller à la pharmacie, ils ne pouvaient pas vivre, ce n’était pas normal ce qu’on leur faisait subir ! Ce jour-là, vous vous rendez compte, j’ai été blessé par un Pied-noir, comme moi, qui m’a tiré de son balcon ! … (Je sens qu’il y est, qu’il revit la scène qui l’a marqué). En plus, avec moi, ils ne voyaient que des Algériens contre eux ! C’était mal interprété par ces Pieds-noirs, ils avaient l’impression que nous étions passés au FLN ! Qu’on leur en voulait ! Et ça a duré une journée …

De là, on nous a appelés en catastrophe, on nous a dit :"déplacez-vous en vitesse, il faut aller bloquer une manifestation et qu'il fallait se porter au centre d'Alger. Le capitaine qui commandait la compagnie n'était pas avec nous. Je me demande s'il n'avait pas refusé, une bonne fois pour toutes, de participer aux opérations de maintien de l'ordre dans ce genre. Il ne l'a jamais dit, mais j'ai constaté que, chaque fois, il n'était pas là et c'est le lieutenant La Tournerie qui prenait le commandement de la compagnie.

On est donc arrivé rue Lelluch.
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Le colonel Jean-pierre Richarté

Témoignage du colonel Jean-pierre Richarte du 2 octobre 2007

Extraits

**Mi-Mars

Les officiers, cadres et tirailleurs ont le moral en berne, leur victoire militaire leur échappe et le FLN est vainqueur politiquement. On écoute les radios nationales quand on le peut. L’inquiétude semble gagner certains tirailleurs musulmans qui s’interrogent quant à leur avenir. Quelques-uns désertent avec armes bagages à la faveur de la nuit et rejoignent le FLN.
Le 19 mars 1962, à l’annonce du cessez-le-feu, la compagnie est en opération sur le terrain à la recherche d’hypothétiques terroristes algériens, quand elle reçoit l’ordre de rejoindre Alger ; Maison Carrée dans un premier temps puis le quartier de Bâb el Oued. Aspirant, je n’ai droit à aucune information mais à des ordres secs. C’est à ce moment-là que se confirme ce que je pressentais déjà : on avait changé d’ennemi. On ne luttait plus contre l’armée de l’ALN mais contre les Français d’Algérie. C’est à cette époque que les barbouzes de PASQUA, policiers métropolitains et Service d’Action civique en tête continuaient leurs basses œuvres en assassinant les Pied-Noir. En réaction l’OAS en tua un grand nombre.
Du terrain, donc, mes tirailleurs passent directement à la ville : dépaysement total pour tous. On conserve les mêmes armes et munitions et on nous demande de faire du maintien de l’ordre face à nos compatriotes, mission pour laquelle nous ne sommes pas préparés. Nous sommes totalement incompétents, on n’a jamais fait, on ne sait pas faire.

Bâb el Oued est un quartier d’Alger où cohabitent en paix le « petit » peuple pied-noir et des musulmans. Beaucoup de jeunes ou de moins jeunes Pied-Noir supportent, encouragent et participent à l’OAS. Le Gouvernement a décidé d’éradiquer ses membres et boucle le quartier. Il veut faire un exemple pour couper court  aux velléités de ces gens qui veulent malgré tout rester Français. Il faut écraser définitivement ces Pied-Noir. Une forme de génocide se met en place. Le couvre-feu interdit tout déplacement et les journalistes ne sont pas autoriser à entrer dans la zone. Les habitants se voient assignés à résidence avec interdiction de circuler, de se ravitailler, de sortir, ne serait-ce que pour acheter de la nourriture ou des médicaments ou même pour enterrer leurs morts (soi-disant que les cercueils servaient à dissimuler des armes)... Comme cela ne semblait pas suffire, les blindés de la gendarmerie tiraient dans les immeubles au canon et à la mitrailleuse de 12.7. Les hélicoptères balançaient des grenades et les avions T6 tiraient à leur tour sur les terrasses.

Ma compagnie se trouve donc là et je ne sais pas pourquoi. J’ai appris plus tard qu’on devait boucler le quartier pour empêcher les gens d’en sortir (alors même que les membres de l’OAS étaient déjà loin) pendant que les gendarmes exécutaient leurs rafles. Nous encerclons donc le quartier mais ayant essuyé un coup de feu, je décide de rentrer dans l’immeuble d’où le coup est parti, à la recherche de son auteur. Je le retrouve rapidement, lui laisse son arme et lui explique que je suis Pied-noir comme lui et que je partage ses idées. Il me raconte la férocité des gendarmes et des CRS qui n’hésitent pas à frapper avec leurs armes les femmes, les vieillards et même les enfants : ils n’hésitent pas non plus à détruire tout l’intérieur des maisons, défonçant les portes à coups de crosses d’armes, même lorsque les clés sont dessus. Ce jour-là, j’en apprends plus sur l’attitude de l’armée que ce que veulent bien m’en dire mes supérieurs.

La place du Tertre à la Basetta
Traversée par le boulevard de Champagne
Sur sa droite débouche par la rue Pierre Leroux dans l'avenue de la Bouzarea
Sur sa gauche part la rue Camille Douls qui, après un grand tournant et parallèle à la rue Cardinal Verdier qui longe l'hôpital Maillot, s'en va vers Saint Eugène

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La place du Tertre à la Basetta
Traversée par le boulevard de Champagne
Sur sa droite débouche par la rue Pierre Leroux dans l'avenue de la Bouzarea
Sur sa gauche part la rue Camille Douls qui, après un grand tournant et parallèle à la rue Cardinal Verdier qui longe l'hôpital Maillot, s'en va vers Saint Eugène


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Plan du bouclage - Cité Climat de France

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