13.3 - Madame CADEO : le 26 mars 1962, j'avais 13 ans...

VI - Les témoignages - Les enfants d'hier et d'aujourd'hui

Une algéroise
"Le 26 mars 1962, j'avais 13 ans,
j'habitais Alger à la rue de Paris.

Ce jour-là, les Pieds noirs s'étaient donné rendez-vous pour une manifestation pacifiste.

Leurs seules armes étaient des drapeaux et leur invincible croyance dans une Algérie française. Mon frère aîné, âgé de 18 ans, était avec des copains et des copines. Quand la fusillade a éclaté, il leur a fallu quelques secondes pour comprendre et ils se sont jetés à terre. L'une de ses copines a reçu une balle dans la jambe, lui mon frère a été poursuivi par un militaire qui lui tirait dessus avec la rage de le descendre. Dieu merci, il ne l'a pas eu ! Mais il a vécu l'horreur de ces assassinats gratuits.

La nouvelle s'est vite répandue dans la ville et chacun a recherché son fils, sa fille, son père, les membres de sa famille. Quelques heures plus tard, lorsque mon frère est rentré chez nous avec ses copains, nous avions tous compris que notre combat était peut-être perdu d'avance. La jeunesse avait changé, devant l'horreur des évènements. Nous avions sûrement compris à ce moment-là que l'Histoire nous avait abandonné et que la France nous avait laissé à notre propre sort.

Personne n'a voulu croire en notre "innocence"  dans cette fusillade, malgré les cris désespérés de ce soldat qui criait "halte au feu"' et qu'aujourd'hui  encore on peut entendre. Moi du haut de mes 13 ans, j'ai compris devant la mine si désespérée de mes parents qu'une partie de ma vie venait de se jouer et que peut-être je devrais laisser derrière moi cette partie si  importante de ma vie, y laisser tous mes souvenirs d'enfance, mes amis d'école, mes repères, tout ce qui est important pour les jeunes qui étaient à l'aube de leur adolescence  et qui représentaient "la jeunesse de demain".

Cette fusillade avait vraiment mis fin à notre Histoire et le plus dur, c'est que 48 ans plus tard, la vérité n'a jamais été rétablie et que tous ces tués de ce jour-là, n'ont peut-être pas trouvé le repos de leur âme.

Comme la grande majorité des Pieds noirs nous fûmes rapatriés avec toute la souffrance que chacun de nous a connue et notre expérience du sol français chacun individuellement fait que malgré tout nous avons reconstruit notre communauté. Car tant d'année après, dès que nous sommes en présence d'un autre Pied noir, outre les souvenirs de là-bas, reviennent aussi ceux qu'il nous reste de notre accueil français!! 

J'ai gardé en mémoire mon histoire, le destin a fait que j'ai épousé un Pied noir rencontré en France et qui habitait le même quartier que moi. Nos histoires, nos souvenirs, nos familles, tout ceci a fait que nous avons transmis à nos enfants, nos traditions et nos vérités pour que reste au moins dans les mémoires de nos descendants l'histoire de notre ALGERIE FRANCAISE ... celle vécue par des ouvriers pour qui le travail était seule source de revenus car nous n'étions pas des "colons" et pour qu'ils comprennent pourquoi en ce mois de MARS 1962 on a tiré gratuitement sur un simple peuple qu'on appelait les Algérois !"

Madame CADEO - 17 - 02 -2010.

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Dans le Quartier de Belcourt,  la rue de Paris (surlignée en jaune)
Au N° 2 le foyer civique du Champs de manoeuvre.
Au N° 8 Hôpital civil de Mustapha
Au N°32, Eglise Saint Bonnaventure
Au N° 56 Lycée Gauthier

001 

Retour Sommaire

Informations supplémentaires