9.2 - NON au 19 mars - Communiqués des associations

3 - "Il n'y a décidément rien à célébrer ce 19 mars sinon l'aveuglement idéologique dans lequel s'enferme une poigée d'organisations et de partis politiques" par Danielle et Jean-Pierre Pister du Cercle algérianiste du Grand-Est et de Champagne - 18 mars 2013

 

PISTER

                                                            Metz le 18 mars 2013

 

                                                    Monsieur Pierre Wagner
                                                                                     13, rue des Frères Lumière

                                                              57155 Marly

 

Double envoyé ce jour à Monsieur le Maire de Marly et à la FNACA Moselle

Monsieur,

Nous avons pris connaissance avec consternation de votre tract invitant le plus grand nombre de citoyens à participer à la cérémonie organisée par la FNACA à Marly pour célébrer les « Accords » d’Evian du 19 mars 1962.

D’abord vous usez d’un terme qui, pour être consacré par l’usage journalistique, n’en travestit pas moins la vérité historique : la France a décidé seule d’appliquer unilatéralement un cessez-le-feu que le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne a refusé d’entériner. Cela a permis aux forces de l’ALN, dès le 19 mars, de redoubler ses exactions contre les populations de toutes origines, abandonnées par une armée française qui avait l’ordre, elle, de rester l’arme au pied.

La décision d’un gouvernement français actuel, animé d’intentions purement idéologiques, sous l’impulsion d’un Président de la République acquis aux thèses algériennes, d’inscrire la date du 19 mars au nombre des commémorations nationales françaises, est suffisamment scandaleuse pour que vous n’ajoutiez pas à la forfaiture de nos politiques, l’injure à l’égard de ceux qui ne partagent pas vos convictions et l’insulte à nos morts civils et militaires.

Vous avez l’impudence d’affirmer vouloir rétablir la vérité d’une « histoire si souvent falsifiée et décriée au nom d’un passé révolu et de passions déplorablement entretenues », alors que l’organisation que vous représentez, ne cesse depuis cinquante ans d’ignorer les faits historiquement incontestables, comme le sinistre Robert Faurisson le fait à l’égard de la Shoa. Il est vrai que vous tentez de vous mettre à couvert de tout reproche en utilisant un euphémisme ahurissant : vous justifiez la célébration des pseudos « Accords » d’Evian, en précisant, « si on en accepte les conséquences » : s’agissant des 3000 européens enlevés, violés, mutilés, assassinés, disparus ; des 80000 harkis abandonnés sans défense à la vengeance et à des règlements de compte sauvages qui n’épargnèrent ni femmes ni enfants ; des quelques 450 soldats français tués ou disparus, dans la seule période qui suit le 19 mars jusqu’à la fin 1962, cette comptabilité morbide montre l’inanité d’un prétendu rétablissement de la paix à la date du 19 mars 1962. L’« acceptation » que vous prônez, revient à entériner l’assassinat de Français, civils et militaires, abandonnés sans défense à la vindicte des nouveaux maîtres de l’Algérie, avant même qu’une parodie de référendum ne leur donne tout pouvoir sur l’Algérie. Drôle de façon pour votre organisation et pour la France de perpétuer « le souvenir de ses enfants morts sous le pli du drapeau. »

Noble et belle métaphore mais qui n’a qu’un défaut : il semble que le drapeau algérien se soit substitué à celui de la France, dans notre propre patrie. Vous ne pouvez ignorer, sinon vous ne savez pas de quoi vous parlez, qu’au moment où vous rendrez « hommage » à vos camarades, l’Algérie célèbre sa victoire sur une France battue et humiliée, que l’hymne national algérien qui retentira dans tout le pays, et peut-être à vos côtés, est une véritable déclaration de guerre dans son troisième couplet :

«Ô France, le temps des palabres est révolu / Nous l’avons clos comme on ferme un livre / Ô France, voici le jour venu où il faut rendre des comptes ! / Prépare-toi ! Voici notre réponse / Le verdict, notre révolution le rendra. / Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. / Soyez-en témoin. »

 L’hymne national algérien serait le seul au monde citant nommément, pour la mettre en cause, une autre nation. Depuis quand demande-t-on à des citoyens Français de faire chorus avec ceux qui continuent à désigner leur Patrie comme l’ennemie à abattre ?

Vous passez à la trappe la souffrance d’un million de Français condamnés à l’exil du jour au lendemain, et que certains partis politiques, qui vous sont proches, ont contribué à peindre sous le jour le plus noir. Pour leur plus grand nombre, ces exilés, ouvriers ou employés modestes, étaient les descendants de tous les miséreux du pourtour méditerranéen ou exilés politiques, qui n’ont jamais eu que leurs bras pour survivre. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ceux qui défendent les droits de tous les immigrés qui entrent en France aujourd’hui, sont les mêmes qui ont considéré, en 1962, que les Pieds-Noirs, dont les aïeux étaient en Algérie depuis 5 ou 6 générations, n’avaient plus le droit d’y rester (déclaration réitérée de plusieurs membres du gouvernement algérien dont celle du premier président BenBella), pas plus que le droit d’entrer en métropole ? Pour satisfaire les Français progressistes et le FLN, il eût mieux valu couler tous les bateaux des rapatriés en pleine Méditerranée. Vous pourriez ainsi continuer à refaire l’histoire à votre guise.

Toutes ces horreurs se justifient à vos yeux parce que les « Accords » d’Evian auraient mis fin au colonialisme. Il aurait cessé de toute façon et surtout, la transition eût pu mieux se réaliser pour tous ses habitants. Vous savez parfaitement que les Algériens, depuis cinquante et un ans sont les premières victimes d’« accords » bâclés au profit d’une nomenklatura qui a accaparé rente pétrolière et liberté politique à son seul profit.

Il n’y a décidément rien à célébrer ce 19 mars, sinon l’aveuglement idéologique dans lequel s’enferment une poignée d’organisations et de partis politiques qui ne veulent pas reconnaître leurs propres erreurs de jugement.

Quant à la paix que vous invoquez, en finale de votre tract, nul n’aurait l’idée de lui préférer la guerre. Mais les faits sont têtus, la paix n’existe toujours pas entre nos deux pays.

Pour que nos soldats et nos victimes civiles reposent enfin en paix et que leurs familles puissent faire leur deuil, il n’y a pas d’autres moyens que de rétablir la réalité des faits. Nous avons le regret de constater que vous n’y contribuez guère.

Mais il n’y a pas d’exemple de vérité historique qui ne finisse par s’imposer à tous. Excepté aux négationnistes, émules des Faurisson, Dieudonné et autres, dont vous faites partie. Ce jour-là, nous préférerons alors être à notre place plutôt qu’à la vôtre.

 

 pister

Danielle Pister-Lopez
Agrégée de Lettres modernes-Maître de Conférences honoraire, Université de Lorraine

Porte-parole de l’Amicale des Pieds-Noirs de la Moselle
Vice-présidente du Cercle algérianiste du Grand-Est et de Champagne

 

 JP Pister

Jean-Pierre Pister
Agrégé d’Histoire-Professeur de Chaire supérieure honoraire, Lycée H. Poincaré Nancy
Secrétaire du Cercle algérianiste du Grand-Est et de Champagne
5, rue du 16° Chasseurs 57070 METZ

 

Eté 1962

 

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