4.7 - Du 13 mai au 28 septembre 1958 : funeste prélude au 26 mars 1962

III - Histoire et récits - De 1945 à 1962 les évènements

« Alger - revue » REVUE MUNICIPALE - HÔTEL DE VILLE
Automne 1958

Directeur-rédacteur en chef: L.R. Lapeyronie
Photos : Service photographique de la Mairie - J. Bruchet J. Roche
Collection Simone Gautier

Les journées de mai 58 représentent pour notre pays un point d'histoire d'une importance capitale.La presse mondiale a publié à ce sujet nombre de comptes rendus et documents qui laissent souvent une impression de confusion. Nous nous sommes efforcés de restituer aussi exactement et clairement que possible le "film-strip" du 13 mai, aidés en cela par les documents et renseignements du Service cinématographique de l'armée, le journal militaire le "Bled" et de protagonistes mêmes du mouvement. Bien entendu, et de même pour les jours suivants, il ne faut voir là qu'une mise au point par l'image des évènements matériels de l'époque, dont les autres aspects n'entrent pas dans notre cadre.

Entre ces deux dates, entre l’heure de la colère et celle de l’espérance : cent trente sept jours d’une intensité, d’une densité, d’un poids tel pour l’avenir de notre patrie, qu’ ALGER-REVUE tient à l’honneur d’offrir à ses lecteurs une rétrospective -par l’image - de quelques unes de ces journées, parmi les plus exaltantes ou les plus significatives, au cours desquelles le monde médusé a vu les populations généreuses de cette terre française d’Afrique, fraternellement regroupées sous les plis de l’emblème national, et restituer à la Patrie le visage tranquille et fier des grandes heures de son histoire.

Couverture : Voir aussi ICI


Au bureau de vote Mahieddine : les trois générations d'une famille musulmane se présentent devant l'urne. D'un geste attentionné, la jeune fille soutient le bras de l'aïeule déposant son bulletin

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page 13 : Alger berceau de la Sème République - du 13 mai au 28 septembre 1958.

Page 14 et 15 : 13 mai - le film des évènements

Première vague : ce groupe de jeunes porte un drap mortuaire rappelant l’assassinat du sergent Richomme et des soldats Ducourteix et Feuillebois. Il va par la rue Michelet rejoindre lycéens et collégiens déjà groupés rue Hoche.

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La foule bien avant la cérémonie prévue a envahi les Jardins Laferrière et le Monument aux Morts même. Un jeune musulman juché sur les épaules d’un manifestant agite un drapeau tricolore.

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Afin de ralentir l’élan juvénile des étudiants et lycéens en avance sur l ’horaire, leurs dirigeants les font asseoir sur la chaussée de la rue Michelet.

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Les prémanifestations :

* A 14 heures 30 , un groupe de jeunes gens, drapeaux en tête remonte la rue Michelet pour rejoindre lycéens et collégiens rassemblés place Hoche, saccageant au passage le centre culturel américain, Vers 16 heures 30 la foule est déjà massée depuis le bas de la Grande Poste jusqu’aux escaliers du Forum. Quelques manifestants lacèrent l’enseigne du "Journal d’Alger". A 17 heures débute la cérémonie officielle au Monument aux Morts, qui réunit, entre autres, les généraux, Salan, Jouhaud, Allard, Massu, l’amiral Auboyneau, l ’IGAME Baret. Mais déjà ont commencé les incidents du Forum...

Schéma général de la disposition du théâtre des évènements. Les principales artères aboutissent à ces vastes jardins en gradins qui descendent, par le Forum, du G.G. aux quais. Cette disposition explique les grands mouvements de foule dont la topographie si particulière d’Alger ne rend guère possible la manifestation que là.

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*1ère phase (vers 17 h 15).  La manifestation dédiée par le Comité de Vigilance aux assassinés de Tunisie a réuni aux Monument aux Morts une immense foule. (V. plan général). Un petit groupe de manifestants n'ayant pu accéder aux premières places s'est installé sur les marches du bas de l'escalier du Forum. De là ils  invectivent des fonctionnaires qui se montrent aux fenêtres du G.G. et qui sont à peu près seuls à Alger à ne pas observer la grève générale préconisée pour la circonstance. Sur le Forum les CRS débarquent de leurs camions à l'emplacement indiqué, prennent position à l'intérieur du GG et devant l'entrée principale derrière les grilles. Dans le jardin qui surplombe le Forum on remarque un petit groupe de très jeune gens de 14 à 16 ans. 

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*2ème phase : (vers 17 heures 20). De ce petit groupe s'en détache une dizaine qui, s'abritant derrière l(aile gauche du GG où se trouve la bibliothèque  une dizaine de ce petit groupe lancent des pierres sur les CRS en faction derrière les grilles. Cinq ou six CRS avancent alors et jettent deux à quatre grenades lacrymogènes dont les fumées poussées par le vent se dirigent vers les escaliers du Forum où elles alertent les manifestants massés au bas des marches ainsi que ceux placés derrière le Monument aux Morts. Entre temps, un groupe de jeunes monte la rue Berthezène, contourne le GG et débouche sur le Forum par le haut. Du bas des escaliers du Forum, les manifestants comment à gravir les marches en direction du GG. 

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*3ème phase : (vers 17 heures 30) : Sur le Forum les gamins du jardin,auxquels s'ajoutent les jeunes qui ont ont contourné le GG fusionnent avec la 1ère vague de manifestants qui arrive par les escaliers. Les CRS par jet de grenades lacrymogènes dégagent le centre de la place. Leurs chauffeurs emmènent leurs camions, 15 environ, vers le commissariat.
Des parachutistes qui  viennent de descendre de leurs camions- venant du stade Leclerc- et qui ont reçu l'ordre de renforcer le dispositif de protection du GG, prennent position sur le Forum au débouché des escaliers.

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Les premiers manifestants se pressent contre les grilles que viennent de fermer les CRS.

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Un deuxième nuage de lacrymogènes fait refluer les manifestants vers le fond du Forum et les escaliers.

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Le deuxième nuage de lacrymogènes s'est dissipé. Un cordon de para maintient la foule dans les escaliers, tandis que les CRS se regroupent et iront se retirer au GG.


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*4ème phase : (vers 17 heures 45).

Après le départ des camions des CRS, la foule est de plus en plus dense sur le Forum, grossie constamment par l'afflux de manifestants qui s'infiltrent en force à travers le barrage constitué par les parachutistes au haut des escaliers. Cette foule maintenant en fureur se presse contre les grilles monumentales du GG dont on a fermé les portes.

En haut des grilles, le colonel Ducourneau, directeur du Cabinet militaire du Ministre résidant Lacoste, s'est perché et harangue la foule, l'adjurant de rester calme. Sa voix se perd dans le vacarme des vociférations adressées aux fonctionnaires demeurés dans le bâtiment ...

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La foule s'est à nouveau infiltrée sur le Forum et se concentre contre les grilles, des deux côtés desquelles se trouvent les para. Un jeune hissé sur une porte incite les manifestants à pénétrer.

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Accroché à la grille, le colonel Ducourneau parlemente. On reconnait sur la gauche en béret le colonel Godart.


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*5ème phase : (vers 18 heures 10) : Quelques CRS depuis le balcon du bureau de Maisonneuve, directeur de cabinet de M. Lacoste jettent encore des lacrymogènes. La foule avance et se rue contre les grilles. Une des portes de celles-ci ayant déjà fléchi, un manifestant s'empare d'un lourd GMC des paras et s'en servant comme bélier, éventre l'autre entrée. Par cette ouverture une grosse masse de manifestants fonce alors sur l'entrée principale, tandis que d'autres enjambent les grilles et pénètrent dans le GG en s'abritant derrière les colonnades de l'aile de la bibliothèque. Cette foule se répand dans les bureaux, et en saccagent un certain nombre et jettent par les fenêtres quantité de documents et dossiers.
Pendant ce temps, évitant le pire, des CRS se retirent avec ordre du GG et du Forum et d'autres passeront par le commissariat.

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Une vue de l'assaut final. Tandis qu'un CRS jette une dernière grenade lacrymogène (fumée du centre) du bureau de Monsieur Maisonneuve, la foule va se précipiter sur le patio du GG dont le camion G.M.C. de gauche enfonce les grilles. A gauche, des manifestants pénètrent par l'aile de la bibliothèque, s'abritant derrière les colonnades.

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La dernière ruée sur les portes intérieures, derrière lesquelles sont les CRS. On aperçoit des jeunes leur lançant des pierres.Une traction avant (masquée par le véhicule du 1er plan) leur servira à enfoncer les portes.

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Le GG est investi : des jeunes gens s'installent sur les corniches, tandis que d'autres font pleuvoir les archives sur la foule.Au balcon du 1er étage on reconnait les colonels Ducourneau et Thomazo, monsieur Moreau. Derrière eux, un panneau d'affichage  : "L'armée est la garantie de l'Algérie française"

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Après l'arrivée de général Massu . Au même balcon Parachini (de dos) et Baudier ( dont on ne voit que le bras) brandissant devant la foule le même panneau portant sur l'autre face : "Nous avons un comité de salut public".

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Grand panneau : Saisissant témoignage des journées, désormais historiques de mai 1958 : l’immense vague du peuple d’Alger déferle, submergeant le forum et ses abords.

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