4.3 - 20 août 1955 - les massacres dans le Constantinois : El Halia ... Philippeville

III - Histoire et récits - De 1945 à 1962 les évènements

4 - Philippeville  le 20 août 1955 "Déchaînés, hurlants ... les Européens tombent sous les coups de couteaux, de rasoirs .. - Yves Courrière

 

«Le temps des léopards» - Tome 1 - 1969 - extraits

Ce 20 août 1955, à Philippeville, la chaleur est-telle qu’elle rend l’air bruissant de milles vibrations. Le ciel est d’un bleu insoutenable. Au soleil où il fait près de 60°, les façades semblent se déformer comme si une impalpable brume transparente montait du sol, brouillant la vision. Depuis 11 heures du matin dans les faubourgs et aux abords de la ville des dizaines de milliers d’Algériens se sont massés, encadrés par des soldats de l’A.L.N. en uniforme kaki et en armes. D’abord silencieux, les hommes montent le ton. La tension est grande. Les nerfs tendus à craquer. On parle d’une guerre sainte, d’Egypte. On dit que les Américains sont prêts à aider le F.L.N. On dit n’importe quoi. On s’agite. Des femmes et des enfants se sont mêlés aux hommes. Chacun excite son voisin. Le grand jour de la vengeance est arrivé.

Au centre de la ville, on ignore tout de ces rassemblements. C’est inexplicable. Comme à l’accoutumée les administrations et les entreprises déversent un flot d’employés et de fonctionnaires. C’est le week-end. Toutes les terrasses sont bondées. On se prépare à prendre la route de la Corniche qui domine le magnifique golfe de Stora pour aller se baigner sur l’une des plages voisines. C’est le brouhaha coloré et bon enfant de toutes les petites villes méditerranéennes. On parle haut. On s’interpelle. On plaisante les filles. Et demain, c’est dimanche. On est heureux. On ne prend pas garde au premier coup de feu.

Puis soudain en une fraction de seconde, c’est la panique. Cris. Hurlements. Bousculades. Les rafales de mitraillette font refluer les passants. On ne sait ce qui se passe. Le pied d’un géant vient d’écraser la paisible fourmilière. Plus rien n’a de sens. Affolés, les hommes, les femmes cherchent un abri, s’écrasent dans les cafés dérisoires protections; «Les Arabes ...Ce sont les Arabes...» La menace si souvent brandie. « Si on les mate pas ils viendront nous égorger dans nos lits.» Cette fois, ils sont là.

Déchainés. Hurlants. Faubourg de l’Espérance, ils avancent par rangs de six en chantant l’hymne du vieux P.P.A. Sur leur passage, ou venant de leurs rangs, les you-you obsédants et terrifiants des femmes exaltées. C’est une marée humaine, un flot dévastateur, armés de fusils de chasse, de faux, de serpes, de pelles dont les bords ont été affutés, de couteaux, ils avancent inexorablement. Hurlant une haine trop longtemps ravalée; Là il n’est plus question de demander justice. C’est la foule en marche, folle furieuse qui écrase tout. La foule injuste, brutale, odieuse, hagarde. «Ils marchaient comme des somnambules» me dira plus tard Ben Tobbal. Elle veut tuer. Elle tue. C’est la marée musulmane face à l’Européen. Une marée soigneusement endiguée par les hommes de l’A.L.N. portant un ruban rouge ou jaune à leur béret pour se reconnaître—tout comme les unités paras en opération—qui poussent, qui canalisent, qui orientent. Selon le plan de Zirout et de Ben Tobbal ils doivent indiquer les objectifs et amener au combat la foule fanatisée. Il faut faire peur, a dit Zirout. Le but est atteint.

Mais la contre-attaque ne tarde pas. En haut de la rue Clémenceau vers l’église Saint Cœur-de-Marie, la police et les paras tirent sur les rebelles. Des hommes tombent, certains se relèvent couverts de sang. Insensibles. La fureur exacerbée. Une quinzaine d’hommes se sont enfermés dans une maison de la rue de Paris d’où ils tirent sur tous les Européens. Les parachutistes donnent l’assaut. Il dure cinq heures. A la

grenade, au gaz lacrymogènes, à la mitraillette, au mortier. L’explosion sourde des bombes, des grenades ponctuent le déchaînement aigrelet des rafales de mitraillettes. Des grenades éclatent dans les cafés. Les Européens tombent sous les balles, sous les coups de couteaux, de rasoirs.

C’est le déchaînement bestial.

La Guerre d’Algérie

Volumes regroupés en 2 tomes

Tome 1 : - Les fils de la Toussaint 1968

               - Le temps des léopards 1969

Tome 2 : - L’heure des colonels     1970

               - Les feux du désespoir   1971

POUR VOIR LE DIAPORAMA, CLIQUEZ SUR L'IMAGE CI-DESSOUS :

Pour arrêter l'image cliquez sur pause. Pour avancer cliquez sur "Next" et pour revenir à l'image précédente cliquez sur "Prev".
Vous pouvez agrandir l'image pour mieux lire en tenant appuyée la touche "Ctrl " de votre clavier et en appuyant sur " + " de votre pav
é numérique. Pour revenir à l'image normale, tenez appuyé "Ctrl" et appuyez sur " - " de votre clavier.

 

 

 

 

 

 

 

Envoi de Bernadette Léonelli que nous remercions.

 

Informations supplémentaires