6.5 - Temoignages sur la mort de J.M. Bastien Thiry

VII -Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - JM Bastien-Thiry - L'attentat du petit Clamart - 22 août 1962

3 - Jean Daniel dans l'Express 14 mars 1963 : "En fait l'inhumanité du Souverain finit par accabler jusqu'à ses partisans"

L'attentat du Petit Clamart

Jean BASTIEN-THIRY

L'été du terrible exode fut marqué par une ultime tentative de renverser le cours des choses. Dans la soirée du 22 août, le président de la République venant de l'Elysée, se rendait à Villacoublay pour y prendre un avion qui devait le ramener à Colombey-les-Deux-Églises. Lorsque sa voiture arriva dans le centre du Petit Clamart, plusieurs véhicules en stationnement ouvrirent le feu sur les pneus de la voiture présidentielle. Atteinte à plusieurs reprises par des balles de P.M. et de F.M., elle réussit à gagner l'aérodrome avec deux roues restées gonflées, sans que personne n'ait été atteint : ni le Président, ni madame De Gaulle, ni le chauffeur, ni le colonel de Boissieu, gendre du Président.

Le 15 septembre le chef du complot était arrêté : il s'agissait du lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, trente cinq ans, brillant ingénieur de l'Aéronautique française, spécialiste de réputation internationale des missiles téléguidés, qui plus est chevalier de la Légion d'Honneur et père de famille exemplaire.

Le 28 janvier 1963, s'ouvrit à Vincennes son procès, devant la Cour militaire de justice instituée par De Gaulle, mais que le Conseil d'Etat venait de déclarer illégale. Dans sa déclaration du 2 février, Bastien-Thiry parla comme le curé de Villemaur. Son dessein expliqua-t-il, n'était pas d'abattre le président de la République mais de l'arrêter et de la traduire en Haute-Cour et le juger. Et c'était bien cela le fond du procès.

"(...) antérieur à l'attentat manqué contre lui un immense attentat réussi était évoqué, celui que De Gaulle dans la plénitude du pouvoir qu'il avait réclamé, avait résolu et mené à son terme inexorablement contre l'Algérie française. Quatre ans de guerre tournante pour aboutir enfin à faire tirer ses soldats t ses gendarmes sur son peuple désarmé qu'il avait juré de défendre et de sauver!" 2G de Nantes, lettre à mes amis n°133.

Cet homme est ruisselant de sang français, concluait le colonel Bastien-Thiry et il représente la honte actuelle de la France. Il n'est pas bon, il n'est pas moral, il n'est pas légal que cet homme reste longtemps à la tête de la France [...]. Nous n'avons pas agi par haine de De Gaulle mais par compassion pour les victimes de De Gaulle et pour sauvegarder des vies humaines innocentes sacrifiées par un pouvoir tyrannique ... Un jour cet homme rendra compte de ses crimes : devant Dieu sinon devant les hommes."

Il avait osé invoquer une autre légitimité que celle "du pouvoir de fait". Il n'avait pas hésité à ridiculiser le tyran : "après avoir mis le général De Gaulle en arrestation, lui demanda le président, s'il avait résisté qu'auriez-vous fait ? -- Oh répondit calmement Bastien-Thiry avec son sourire inimitable, nous lui aurions tout juste enlevé ses bretelles." Ce fut alors un immense éclat de rire, malgré l'atmosphère tragique qui enveloppait les audiences. Mais De Gaulle ne lui pardonna pas. Le verdict tomba le 4 mars : Bastien-Thiry et ses deux principaux auxiliaires, Bougrenet de la Tocnaye et Prévost étaient condamnés à mort.

Une semaine plus tard, le lundi 11 mars, alors que ses deux compagnons bénéficiaient de la grâce présidentielle, le colonel était fusillé au Fort d'Ivry. Il assista avec une grande ferveur à la messe de l'aumônier et communia en brisant en deux l'hostie que lui tendait le prêtre, lui demandant d'en remettre la moitié à son épouse. Il marcha ensuite au poteau, en égrenant son chapelet, le visage calme et serein, même joyeux. Avant la salve il ne cria pas "Vive la France" mais pria pour elle et pour ceux qui allaient le tuer.

De Gaulle exploita l'émotion causée par l'attentat du Petit Clamart pour proposer l'élection du président de la République au suffrage universel, par l'ensemble du peuple français et non plus par une assemblée de notables. Le projet se heurta à une très forte opposition du Sénat et de la gauche qui craignait la naissance d'un régime bonapartiste autoritaire. Il fut néanmoins approuvé par referendum le 28 octobre 1862 avec 62;25 % de Oui.

"En fait l'inhumanité du Souverain finit par accabler jusqu'à ses partisans" - Jean Daniel, L'Express, 14 mars 1963

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