1.7 - Poèmes dédiés au 26 mars

XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie

4 - "Alger 26 mars 1962"  d'Etienne MUVIEN

 

03

 

 Alger 26 mars 1962

Des clichés douloureux tapissent ma mémoire
D'une infâme tragédie enfantée par l 'Histoire...
La France qui se veut compatissante, humaine,
Ne fut qu'infanticide, ivre de mépris, de haine...

Elle a osé écrire en lettre indélébiles
De sang couvert de honte, un ignoble codicille
En marge d'un Passé soucieux de maintenir
L'image de son honneur sans jamais la ternir...

Ce jour-là, le soleil et la douceur du temps
Avaient mis dans les cœurs des graines de Printemps.
Sur un vaste forum, dans le centre de la ville
Une foule enthousiaste, animée, puérile,
Se rassemblait sereine, sans peur et sans menaces,
Pour aller secourir ceux tombés en disgrâce
"Les gens de Bab-El-Oued" , privés de liberté,
Qu'une humeur militaire s'employait à dompter.
Un climat bon enfant, une ambiance de kermesse
Versaient dans l'assistance une certaine allégresse...
Pourtant un drame sournois couvait à son insu !
Les milices gaulliennes contrôlaient les issues
Des rues avoisinantes, adjacentes au Forum,
Permettant cependant un accès maximum
A travers les barrages et les chevaux de frise,
A un peuple insouciant d'une telle entreprise
Et qui venait sans cesse alimenter la masse
Sans soupçonner le piège l'enfermant dans la nasse
D'un guet-apens conçu de meurtres prémédités
Par des soldats maudits, fiers de leur lâcheté. ..
Encore plus méprisable le Haut-Commandement
Ordonnant à quinze heures la tuerie d'innocents !

Je porte témoignage de scènes de massacres,
Sans préambule, provocations ou simulacres :
Une foule décimée soudain par la mitraille
Qui tente d'échapper à ses mortelles tenailles.
Des blessés achevés par des tueurs avides
Poursuivant leurs victimes terrorisées, livides,
Ecrasées sur le sol ou cherchant un refuge
Vers la Grande Poste close ou des halls transfuges,
Tirées à bout portant par ces fous sanguinaires,
Exaltés d'assouvir un contrat exemplaire ? ...!

"Halte au feu, halte au feu" hurlait un impuissant
Sans doute épouvanté par l'affreux bain de sang !

Je porte témoignage que, malgré ces appels
Hurlés par "Haut-parleurs", les spadassins rebelles
Ont poursuivi leurs crimes pendant un long moment !
Les secours...retardés, et ce, volontairement.

Après la fusillade, une vision douloureuse
Alourdissait l'espace d'une tension silencieuse. ..
De larges flaques de sang, des vêtements, des chaussures
Répandus sur le sol ou dans les embrasures...
Des femmes hébétées et des hommes blafards
Allant de ci de là, les yeux vides ou hagards...
Somnambules pitoyables, victimes de l'épouvante
D'une tuerie programmée, coupable et infâmante...
Je porte témoignage et en outre j'accuse
De forfaiture, tous ceux qui savent et qui récusent...
Ceux qui se taisent, complices, et qui vont par ailleurs
Défendre l'Humanité aux bruits de leurs clameurs !
Allez, soyez sans  crainte, fourriers de déchéance,
Vous mourrez "Chevaliers du déshonneur de France"

Etienne MUVIEN

0304

05

Informations supplémentaires