5.2 - Désarmés et livrés aux massacres - Décision du plus haut sommet de l'Etat

VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

1 - Privés par les accords d'Evian de la nationalité française... par Michèle LAUMET

2 - HARKIS - Désarmement - Abandon - Massacre 

3 - Le massacre des Harkis était prévisible - Note de Jean-François PAYA

4 - Drame des Harkis en 1962 - Conférence du Général François MEYER - 7 mars 1999 - Paris

5 - Lâcheté et mensonges : tracts diffusés aux Harkis par le commandement en Algérie après le cessez-le-feu 

6 - L'infamie : les circulaires et les télégrammes de l’État  - mars 1962 - avril 1962 - mai 1962

7 - Les "harki", ces oubliés de l'Histoire par Joseph CASTANO le 25 septembre 2016

 

 

1 - Privés par les accords d'Evian de la nationalité française... par Michèle LAUMET

Loin d'oublier ces temps abominables, il faut les remettre fréquemment sous nos yeux. (Voltaire)

Privés par les accords d'Evian de la nationalité française [1], dépouillés de leurs armes, sans protection de l'Armée française qui a reçu l'ordre express de ne pas intervenir pour leur porter secours, isolés dans leur village au sein d'une population souvent hostile, les Harkis sont à la merci de l'ALN (Armée de Libération Nationale), dont les troupes qui étaient stationnées en Tunisie et au Maroc, entrent en Algérie, après l'intervention du cessez le feu du 19 mars 1962. En nombre et avec leurs armes.

Dans un premier temps, le nouveau pouvoir algérien alterne promesses d'amnistie et menaces. Puis les sévices, les assassinats, les enlèvements commencent, souvent du fait des "Marsiens", combattants de la 25ème heure qui veulent racheter leur passivité antérieure. Les Harkis sont arrêtés et abattus. En masse, lors des deux principales vagues de répression en été et en automne 1962. Quelquefois par unité entière, par village entier, par famille entière, les femmes et les enfants n'étant pas épargnés. Les massacres perpétrés sont d'une barbarie et d'une ampleur sans précédent.

L'HORREUR DES MASSACRES

Les supplices qui précèdent la mort sont d'une cruauté inouïe et peuvent durer plusieurs heures, quelquefois plusieurs jours : corps ébouillantés, dépecés, enterrés ou brûlés vifs, énucléations, membres découpés en lanières et salés, anciens combattants contraints d'avaler leurs médailles avant d'être brûlés vifs dans le drapeau français.

Selon des témoignages rapportés par Camille Brière [2] "certains harkis furent crucifiés sur des portes, les yeux crevés, le nez et les oreilles coupés, la langue arrachée, systématiquement émasculés ... D'autres furent dépecés vivants à la tenaille, leur chair palpitante jetée aux chiens. ... Quant aux familles, voici ce qui les attendaient : des vieillards et des infirmes étaient égorgés, des femmes violées puis éventrées, des nourrissons, des jeunes enfants avaient la tête écrasée contre les murs sous les yeux de leur mère ..."

Dans un compte rendu destiné à sa hiérarchie , M. Robert, sous-préfet en poste à Akbou, arrondissement situé en Kabylie, dresse de façon précise et détaillée la chronique macabre des exactions- supplices, assassinats, enlèvements, viols collectifs, enfermement dans des camps -subis par les harkis et leurs familles dans sa circonscription après le cessez-le -feu du 19 mars 1962 jusqu'à fin décembre 1962. Il note parmi les victimes "la proportion non négligeable de civils qui est de l'ordre d'un tiers, constitué d'élus de tous rangs, de chefs de villages, d'anciens combattants ..." [3]. S'agissant d'un document officiel, établi par un haut fonctionnaire concernant des faits dont il a été amené à avoir connaissance dans l'exercice de ses fonctions, il ne peut être soupçonné d'exagération.

L'aspect cathartique des massacres est souligné par Mohand Hamoumou [4] : "la plupart furent humiliés et torturés publiquement, longuement avec un luxe de raffinement dans l'horreur. La mort était une délivrance, d'où la recherche de morts lentes pour faire durer l'expiation. Le supplice est destiné à rendre infâme celui qui en est la victime et à attester le triomphe de celui qui l'impose. Plus le doute est permis sur l'infamie de l'accusé plus le supplice doit être démesuré pour persuader l'assistance de la culpabilité de la victime".

D'autres sont faits prisonniers et enfermés dans des camps [5], dans lesquels la Croix Rouge recensera, en 1965, 13.500 personnes. Certains seront employés à des tâches dangereuses telles le déminage, à mains nues, avec une jambe coupée préventivement. D'autres enfin sont enlevés : ce sont ainsi des milliers de harkis et de pieds-noirs qui disparaissent dès après le cessez le feu du 19 mars 1962, puis au cours des deux principales vague de répression qui interviennent en été et en automne 1962 et de celles qui interviendront plus tard entre 1963 et 1966. sans que les autorités françaises pourtant souvent informées des lieux de leur détention ne s'en inquiètent et donnent même des ordres pour qu'aucun secours ne leur soit apporté [6] et pour que soit sanctionnés ceux des militaires, souvent anciens responsables de SAS, qui de leur propre initiative, achemineront leurs hommes et leurs familles vers la métropole et vers le salut [7]. Et pour que soient chassés des bateaux les harkis qui auront embarqué clandestinement et renvoyés en Algérie ceux qui seront parvenus à rejoindre clandestinement la France ... [8].

L'AMPLEUR DES MASSACRES / 150.000 VICTIMES

Les chiffres peuvent toujours donner lieu à controverse. Il est cependant possible d'avancer le nombre de 150.000 victimes, en s'appuyant sur différences estimations rappelés notamment par Abd El Aziz Meliani [9] et par Mohand Hamoumou [4] : celle du Service historique des armées qui, dans une note officielle, en 1974, estime à environ 150.000 le nombre des harkis disparus ou assassinés ; celle du chef du deuxième bureau à Alger qui retient également ce chiffre de 150.000; celle de M. Robert, sous-préfet d'Akbou, qui dans le compte rendu officiel où il relate les faits survenus dans son arrondissement après le cessez le feu, fait état de 3.000 victimes en moyenne par arrondissement, soit 150.000 environ pour les 72 arrondissements algériens [3]; celle de l'historien Guy Pervillé qui situe ce chiffre entre 30.000 et 150.000; celle d'Anne Heinis qui, dans un mémoire de 1977 sur l'insertion des Français-musulmans [10] situe également ce chiffre entre 30.000 et 150.000; celle enfin d'André Santini Secrétaire d'Etat aux Rapatriés en 1986-1988 qui, pour les harkis et les pieds-noirs massacrés ou disparus au moment de l'indépendance de l'Algérie, donne les chiffres de 150.000 et 10.000.


Dans un rapport officiel de mai 1962 le contrôleur général, monsieur de Saint Salvy a pu écrire : "les crimes de guerre commis en Algérie depuis le 19 mars 1962 sont sans précédent depuis la dernière guerre mondiale, dépassant tout ce qui avait pu être constaté en Asie ou en Afrique noire" [10]. De ces crimes de guerre, l'Etat français s'est rendu coupable de complicité par sa passivité volontaire, alors qu'il connaissait parfaitement la situation et qu'il disposait encore des moyens militaires suffisants en Algérie pour protéger et secourir ses ressortissants.

Michèle LAUMET

[1] - Les accords d'Evian
      Maurice Allais "L'Algérie d'Evian"
      Réédité par Jeune Pied-noir BP 4 91570 Bièvres

[2] - Camille Brière "Qui sont les Harkis ?"
       Edition de l'Atlanthrope

[3] - Compte rendu officiel du sous-préfet d'Akbou, notamment dans :
       "Les archives inédites de la politique algérienne 1958-1962"
      
Maurice Faivre - Editions l'Harmattan

[4] - Mohand Hamoumou : "Et ils sont devenus harkis"
      Editions Fayard

[5] - Témoignages concernant les camps de prisonniers et les enlèvements Abd El Aziz Meliani :
      "La France honteuse. Le drame des harkis"
       Editions Perrin

[6] - Circulaire de Louis Joxe notamment dans :
      "Les archives inédites de la politique algérienne 1958-1962"
       Maurice Faivre - Editions L'Harmattan

[7] - Directive du colonel Buis notamment dans :
      "Les archives inédites de la politique algérienne" 1958-1962"
      
Maurice Faivre - Editions L'Harmattan

[8] - Voir document joint : "La responsabilité de l'Etat français"

[9] - Abd El Aziz Meliani : "La France honteuse. Le drame des harkis"
     
Editions Perrin

[10] - Anne Heinis : "L'insertion des français-musulmans"
       Montpellier III thèse de troisième cycle 1977

[11] - Rapport officiel de mai 1962 du contrôleur général Monsieur de Saint-Salvy
        Abd El Aziz Meliani : "La France honteuse. Le drame des harkis"
        Editions Perrin

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VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

2 - HARKIS - Désarmement - Abandon - Massacre -
Source : Manifestation Pied-Noir 2012

En avril 1961, l’Esprit public écrit que l’Armée française ne trouvera pas moyen de protéger ses harkis, et que ceux-ci seront égorgés …

En décembre 1961, le ministère des affaires algériennes : « La France faillirait à son honneur si elle ne tentait pas tout en leur faveur. » (À propos des harkis)

Le 17 février 1962, création de la « commission concernant le rapatriement éventuel des personnels (militaires autochtones, réguliers et supplétifs) placés sous le contrôle des militaires » dont le président, le conseiller d’Etat Michel Massenet, préconise d’importants transferts (refusés par Louis Joxe) …

Le 16 mars 1962, télégramme : « Ministre d’Etat Louis Joxe demande à Haut Commissaire rappeler que toutes initiatives tendant à installation métropole Français musulmans sont strictement interdites. En aviser d’urgence tous les chefs de SAS et commandants d’unité. » [1]

Le 17 mars 1962, note de service : « Note pour les commandants de secteur. Le regroupement de nos unités et la suppression consécutive de certains postes se sont accompagnés parfois d’un repli de SAS … Il y a lieu de rassurer de telles populations (dépendant de SAS) et d’éviter d’éventuelles représailles … »

Le décret n°62-318 du 20 mars 1962 offre trois solutions à 28 395 harkis :

- l’engagement dans l’armée régulière, choisi par 6% d’entre eux

- revenir à la vie civile avec prime de licenciement et de recasement

- reconduire un contrat de 6 mois pour bénéficier d’un temps supplémentaire de réflexion

Le 3 avril 1962, de Gaulle au Comité des Affaires Algériennes (Paris) : « il faut se débarrasser sans délai de ce magma d’auxiliaires qui n’a jamais servi à rien. » (à propos des harkis) [1]

Le 7 avril 1962 « Pour enrayer pertes armes général CAC ordonne désarmer totalité harkis avant le 9 avril, terme de rigueur CR d’exécution adressé le 8 avril avant 16h00 … Harkis pourront bénéficier avenir proche options offertes. »

Dans sa directive du 15 avril 1962, le ministre des Armées demande le désarmement immédiat de tous les harkis, de ne plus laisser de délai de réflexion et « d’assurer le regroupement sous protection des unités militaires, harkis et familles qui se sentent menacés et n’auront pas choisi le licenciement … Toutes opérations désarmement doivent être terminées le 15 avril et dissolution toutes harkas 1er mai. »

La note de service du général de brigade Guillard du 16 avril 1962 précise que « une trop large diffusion de cet avantage (transfert des harkis menacés) risquerait de provoquer un afflux de demandes qui nous conduirait à opérer un tri sévère et à refuser le bénéfice de la mesure pour un nombre important de candidats. »

Le 19 avril 1962, dissolution de la commission de rapatriement (des harkis cf 17 février 1962)

Dans un télégramme du 12 mai 1962, Louis Joxe communique au haut commissaire en Algérie Christian Fouchet : « Les renseignements qui me parviennent  sur les rapatriements prématurés de supplétifs indiquent l’existence de véritables réseaux tissés sur l’Algérie et dont la partie algérienne a souvent pour origine un chef SAS … Vous voudrez bien faire rechercher tant dans l’armée que dans l’administration les promoteurs et les complices de ces entreprises et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement seront, en principe,  renvoyés en Algérie où ils devront rejoindre avant qu’il soit statué sur leur destination définitive le personnel déjà regroupé selon les directives des 7 et 11 avril (1962). Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la sédition comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles, il conviendra donc d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure ; mais ce qu’il faut surtout obtenir, c’est que le gouvernement ne soit plus amené à prendre une telle décision … »

Le 13 mai 1962, le ministre de l’Intérieur demande à tous les préfets de métropole d’ « adresser la liste nominative de tous éléments harkis arrivés dans le département, en précisant lieux et conditions de leur hébergement, plus l’identité précise des personnes ayant pris initiative de ces installations … Vous renouvelle que vous devez vous opposer à tous projets dans ce domaine en dehors des mesures adoptées par le secrétariat aux rapatriés. »

Le 18 mai 1962, en application de la directive Joxe du 12 mai 1962, Fouchet, haut commissaire de la République en Algérie, émet la note de service suivante : « Le ministre d’Etat chargé des affaires algériennes a appelé l’attention du haut commissaire sur certaines initiatives prises en Algérie pour organiser l’émigration et l’installation en métropole de familles musulmanes désireuses de quitter le territoire algérien … Le transfert en métropole des Français musulmans effectivement menacés dans leur vie ou dans leurs biens s’effectuera sous la forme d’une opération préparée et planifiée. J’ai, en conséquence, l’honneur de vous demander de bien vouloir prescrire à tous les cadres placés sous vos ordres de s’abstenir de toute initiative isolée destinée à provoquer l’installation des Français musulmans en métropole … »

Dans une note du 19 mai 1962, tous les préfets ont l’obligation de s’opposer à l’implantation d’ex-harkis « qui n’auraient pas fait l’objet d’une décision de transfert … »

Le 22 mai 1962, en conseil des ministres, de Gaulle au secrétaire d’Etat aux rapatriés qui parlait des dispositions concernant un millier de harkis soit environ 5 000 personnes : « Pour les harkis, ne comptez-vous pas un peu juste ? »

Le Figaro du 23 mai 1962 : « Il y a quelques temps, une soixantaine de harkis arrivés à Marseille étaient refoulés et renvoyés en Algérie, leurs papiers n’étant pas en règle (on leur demandait un certificat de travail !). Hier, 55 harkis et leur famille de la région de Palestro ont été également refoulés. »

Le Méridional - La France du 23 mai 1962 : « Sur les quais du port (Marseille), un prêtre. Il est venu de Poitiers … Mon père, colonel d’active, est en prison … Mes deux frères officiers sont « quelque part » en Algérie, ayant démissionné de l’armée, ils mettent à l’abri leurs anciens soldats. Je suis ici pour accueillir ces musulmans condamnés à mort et pour les orienter, leur trouver du travail et un toit. »

Source : Manifestations pieds noirs 2012

 

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[1]                                                                         TELEGRAMME

Télégramme parvenu au PC de la Z. E. C (Est Constantinois)

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VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

3 - Le massacre des Harkis était prévisible - Note de Jean-François PAYA

Le Massacre des Harkis était Prévisible " Directive de la Willaya V Oranie" - Commentaire de JF Paya

Dans certaines archives, il existe un tract significatif de l'OAS Oranie référence T 649 texte d'une émission pirate du 26 Mai 1962 qui révélait une directive secrète du FLN avec un commentaire très explicite à propos du sort réservé aux harkis après l'indépendance. Ce document de la Willaya V (Oranie) avait été remis par des correspondants placés dans les services de renseignement de l’Armée qui faisaient bien leur travail même si leurs efforts n'étaient plus utilisés contre le FLN.

Ces directives interceptées par l'Armée Françaises sont classifiées dans les archives à Vincennes mais on ne signale pas que l'OAS Oranie les avait fait connaitre alors qu'elles étaient tenues cachées. Donc les plus hautes autorités étaient au courant des crimes qui se préparaient et contrairement à 1941 où aucun tract de la résistance, aucune émission radio n'avaient évoqué la "solution finale ».

Ce drame algérien pouvait être prévu.

JF Paya Références : Recueil de Messages, Directives et Commentaires de l'OAS Zone III
Guy Pujante ex-responsable OAS.

Diffusions par voie de tracts et émissions pirates Radio et Télévision.

Citation de la Directive secrète FLN "Archives inédites de la Politique Algérienne" interceptée par l'Armée Française et classifiée par le Général Maurice Faivre P137

Extrait " ces valets du régime ne trouveront le repos que dans la tombe"

Voir : ICI

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Après les avoir armés et après qu'ils aient combattu pour la France et l'Algérie française,
on les désarme, les livrant aux crocs des bouchers du FLN.

 

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VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

4 - Drame des Harkis en 1962 - Conférence du Général François MEYER - Paris - 7 mars 1999

Extraits de la conférence
LE DRAME DES HARKIS EN 1962

Général François MEYER, ancien lieutenant chef de harka.

Rencontre " HISTOIRE et MÉMOIRE " - Les Harkis, 1954‑62

Paris, Pavillon Gabriel, dimanche 7 mars 1999

Lieutenant en Algérie, j'ai servi pendant quatre années au 23ème régiment de spahis en Oranie, de 1958 à 1962, dans une unité où le concours des algériens musulmans était considérable et j'ai commandé successivement deux harkas, en tant que chef de commando du Secteur opérationnel à Géryville, puis à Bou Alam toujours en Sud-Oranais. Je crois avoir connu une guerre dont la réalité a échappé à de nombreux Français, la guerre civile entre les Algériens au moment de la décolonisation.

Je précise que je n'avais jamais promis à mes soldats que la France resterait en Algérie, et que j'ai seulement écouté avec eux les allocutions du Général de Gaulle, ainsi que les nombreux discours des autorités civiles et militaires, qui nous fixaient bien suffisamment les objectifs politiques de nos combats. J'ai simplement promis à mes harkis que je resterais avec eux jusqu'au "dénouement", et prolongé en conséquence mon séjour. Mon adjoint, le sous‑lieutenant d'Agescy a fait de même.

Au milieu des combattants musulmans, j'ai donc vécu la dissolution des harkas, c'est‑à‑dire leur désarmement et leur démobilisation. Avec les spahis de mon commando, militaires engagés, qui avaient refusé la rupture de leurs contrats, et donc le désarmement, j'ai pu assurer la protection des familles des anciens supplétifs en attente de départ pour la France, les aider dans les formalités administratives qu'ils devaient accomplir, et témoigner de ce` que ces anciens soldats étaient réellement menacés dans leur vie, puisque c'était à cette condition seulement que les autorités militaires avaient reçu l'ordre de prendre en compte les demandes de transfert en métropole.

J'ai participé à l'organisation d'un premier convoi vers la France le 13 juin qui est arrivé au camp du Larzac le 16, et j'ai moi‑même accompagné un deuxième et dernier convoi le 9 juillet, qui est arrivé au camp de Sissonne le 16 juillet 1962.

Ce qu'ont vécu en 1962 les anciens supplétifs et les anciens engagés, tous soldats de la France, ne doit pas être éternellement caché. Il est important que l'histoire de cette période soit établie dans toute sa vérité. Aujourd'hui, les revendications des fils et des filles de harkis sont d'abord des exigences de considération et de dignité. Il n'y aura pas pour eux de paix sociale tant que l'opinion publique restera dans l'ignorance de ce qui s'est passé. Trop de Français, moins d'ailleurs par parti pris que par méconnaissance, les appellent encore "fils de traîtres", car jamais la reconnaissance de la France ne leur a été manifestée de façon claire, officielle, éclatante.

C'est un devoir de vérité et de réhabilitation sans équivoque que la France doit s'imposer. Les historiens et les chercheurs ont ici un travail important à mener, et dans ce cadre, ces journées "Histoire et Mémoire" qu'organise aujourd'hui "Jeune Pied Noir", constituent une manifestation d'un incontestable intérêt. Aussi je remercie Bernard Coll et Taouès Titraoui de me donner ici la parole.

........

POUR CONCLURE :

Il est évident qu'au moment de leur désarmement, les supplétifs n'ont pu exercer d'autre "libre choix" que de retourner dans leurs villages pour y attendre la suite des événements.

Dès le 19 mars à Saint Denis du Sig, en Oranie, les premiers harkis seront assassinés, seize hommes et une femme, et ce massacre déclenchera une émeute.

Ce n'est qu'un mois plus tard que les armées prendront de premières mesures pour protéger les anciens supplétifs. Ce n'est que trois mois après les licenciements que les premiers rapatriements du "Plan Général" seront effectués. Pendant ces temps d'indécision - ou de non décision - les supplétifs seront soumis à des pressions qui leur seront finalement fatales.

Il eût fallu organiser le rapatriement des combattants musulmans "menacés" dès leur désarmement.

Le Gouvernement avait été prévenu. En octobre et en novembre 1961, un questionnaire avait été adressé par le Ministre d'Etat aux Préfets en Algérie. En réponse, ceux-ci avaient averti: " Les musulmans engagés à nos côtés ne seront pas protégés. La seule protection efficace pour eux sera le transfert en métropole." Les préfets ajoutaient également " les musulmans ne souhaiteront pas quitter leur pays... Ils devront être informés du caractère relatif des garanties."   Attachés à leur terre et à leur manière de vivre, ils n'imaginaient pas non plus un pareil abandon.

Ne pouvait‑on aussi prévoir que le F.L.N. voudrait éliminer les anciens harkis, témoins sinon acteurs de son échec militaire ? afin d'instaurer ce mythe d'un peuple "uni" se libérant de l'emprise coloniale par la force, et mieux réaliser ainsi l'indispensable cohésion nationale autour d'une origine glorieuse ?

On connaît ce tract du F.L.N. en 1961 " L'heure de la victoire approche. Où irez‑vous après ? L'ennemi retire ses fils et vous fait avancer les premiers... pour qui mourrez-vous ? Demain les colonialistes français vous abandonneront, les métropolitains ne voudront jamais vous laisser pénétrer dans leur terre... désertez, abattez vos officiers assassins ..."

Ils n'ont pas abattu leurs officiers, ils n'ont pas non plus déserté, sinon certains en mars 1962, quand ils se sont vus abandonnés. - De Gaulle pourtant n'a jamais fait grand cas de ces combattants. " Il faut se débarrasser sans délai de ce magma de supplétifs qui n'a jamais servi à rien..." déclarait‑il le 3 avril, au cours d'une séance du Comité des Affaires Algériennes. - Rien d'étonnant à ce que dans une Note du 7 avril, Louis Joxe ait aussi écrit, parlant des Harkis et des Moghaznis, " de toute manière, on fera effort pour maintenir ces personnes en Algérie.

Qui peut refuser de voir la responsabilité du Gouvernement de la France dans le drame des harkis en 1962 !

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VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

5 - Lâcheté et mensonges : tracts diffusés aux Harkis par le commandement en Algérie après le cessez-le-feu - extraits.

HARKIS !

Les combats ont cessé, la paix est revenue dans votre pays.
Chacun de vous, avec l'aide de la France, pourra ‑ si Dieu le veut ‑ bâtir à son gré son avenir en Algérie ou en Métropole.
Harkis, l'heure est venue de choisir.

VOICI CE QUE VOUS OFFRE LA FRANCE


Si vous désirez continuer à porter les armes,
il vous sera possible de souscrire un
engagement militaire ...


Si vous préférez rentrer directement dans la vie civile, vous percevrez la prime de recasement...
Un délai de réflexion vous sera accordé.
C'est ainsi que vous pourrez souscrire un contrat de six mois pour servir, à titre civil, en qualité d'agent contractuel des armées ...
Vous n'aborderez pas la vie civile comme l'enfant nouveau-né aborde la vie.

LA FRANCE EST LÀ POUR VOUS AIDER.


En effet elle est prête à vous donner, pour peu que vous l'y encouragiez par votre travail :
- un emploi
un toit
- des ressources (priorité d'embauche, aide à la construction,
- prêts de semences et d'argent pour achat de bétail,
- accès à la petite propriété, aide à l'artisanat rural).

HARKIS !


Tous ces avantages ne peuvent vous être accordés que dans le respect des conventions qui vous lient encore à la France.
En désertant vous emportez souvent votre fusil.
Personne ne vous l'échangera contre une charrue.
A l'heure de la Paix, le blé vaut plus cher que les cartouches.


 

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Après les promesses, la lâcheté et les mensonges...Quelle infamie !


VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

6 - L'infamie : les circulaires et les télégrammes de l’État - mars 1962 - avril 1962 - mai 1962

Le général d'Armée, Charles Ailleret, commandant supérieur en Algérie depuis juin 1961 adresse au ministre des Armées, monsieur Pierre Messmer un  message en  date du 14 février 1962.

"A votre dernier passage à Alger, vous avez bien voulu annoncer votre intention de diffuser une note rassurant les F.S.N.A. (Français de souche nord-africaine) servant dans les rangs de nos armées sur leur avenir et sur la volonté de la France de ne les abandonner en aucune circonstance. Évolution actuelle de la situation rendrait diffusion d'une telle note extrêmement utile sur le plan psychologique. Je vous demande en conséquence s'il vous serait possible de la faire sortir maintenant".

Circulaire de M. Pierre Messmer, ministre de la Défense, en réponse à ce message au sujet de l'avenir des supplétifs, en date du 8 mars 1962 :

" Les négociations conduites … avec le FLN aboutiront, sans doute, au fait que l'autodétermination naîtra une Algérie nouvelle … qui demeurera liée à la France  par des accords d'association étroite et garantira, aux nationaux comme aux intérêts français … les droits et les libertés indispensables …"

"Après le référendum d'autodétermination, que l'on peut espérer intervenir après quelques mois, commencera une période probatoire, d'une durée de trois ans, qui offrira aux Français d'Algérie comme aux Musulmans attachés à la France un délai suffisant pour choisir le pays de leur installation définitive ainsi que leur nationalité … il est hautement souhaitable que la majorité des Algériens décident de continuer à vivre dans leur pays natal."

Cette réponse est accompagnée d'annexes parmi lesquelles figure un tract destiné aux supplétifs vantant les bienfaits de la paix retrouvée;  ce document assure ces derniers d'un avenir prometteur qui leur donnera le choix entre de multiples possibilités et avantages: l'installation en France ou en Algérie, l'engagement dans l'armée, le bénéfice de stages de formation et d'un travail avec priorité d'embauche, l'accession gratuite à la propriété, l'octroi d'une prime, d'un logement, d'un prêt, d'aides en nature, de vivres, de vêtements, de semences …

La réalité sera toute autre et voici comment l'ancien fellaga, Rémy Madaoui, la décrit :

"Après le cessez le feu l'Algérie devint un enfer … … Tout était fini. L'Algérie allait être livrée, pieds et poings liés, aux jusqu'au-boutistes du FLN. J'étais dans une grande détresse, une sorte de tempête mentale. L'Algérie entre les mains des extrémistes, cela signifiait des centaines de milliers d'exécution, des centaines de milliers de départs …

 Ci-dessous diaporama à déroulement automatique.

Attention, images très dures

 

Télégramme de Pierre Messmer Ministre des Armées à GENESUPER la Reghaia

03 

N° 1334 KA/CAB/DIR. Il me revient que plusieurs groupes d'anciens harkis seraient récemment arrivés en métropole - STOP-

     Je vous communiquerai dès qu'ils seront en ma possession renseignements précis sur importance et origine ces groupes ainsi que, si possible, sur responsables leur mise en route - STOP - Dès maintenant toutefois je vous prie :

Primo : d'effectuer sans délai enquête en vue déterminer conditions départ d'Algérie de ces groupes incontrôlés et sanctionner officiers qui pourraient en être à l'origine. STOP -

Signé : P. MESSMER

 

Télégramme de Louis Joxe - Ministre des Affaires algériennes  11 avril 1962

 

02

 

Télégramme de Louis Joxe - Ministre des Affaires algériennes

Télégramme parvenu au PC de la Z. E. C (Est Constantinois)

DÉLÉGATION GÉNÉRALE EN ALGÉRIE

CABINET                                                                                             ORIGINAL

TÉLÉGRAMME ARRIVÉ
Télégramme

NR 1676 TRÈS SECRET – PRIORITÉ ABSOLU -
MINISTÈRE ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES ALGÉRIENNES

À

HAUT COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE EN ALGÉRIE – ROCHER NOIR –

N 223/Z

SUITE NOTRE 215/Z DE CE JOUR

LES RENSEIGNEMENTS QUI ME PARVIENNENT SUR LES RAPATRIEMENTS PRÉMATURÉS DE SUPPLÉTIFS INDIQUENT L’EXISTENCE DE VÉRITABLES RÉSEAUX TISSÉS SUR L’ALGÉRIE ET LA MÉTROPOLE DONT LA PARTIE ALGÉRIENNE A SOUVENT POUR ORIGINE UN CHEF DE S.A.S. JE VOUS ENVOIE AU FUR ET À MESURE LA DOCUMENTATION QUE JE REÇOIS A CE SUJET, VOUS VOUDREZ BIEN FAIRE RECHERCHER TANT DANS L’ARMÉE QUE DANS L’ADMINISTRATION LES PROMOTEURS ET LES COMPLICES DE CES ENTREPRISES ET FAIRE PRENDRE LES SANCTIONS APPROPRIÉES.

LES SUPPLÉTIFS DÉBARQUÉS EN MÉTROPOLE, EN DEHORS DU PLAN GÉNÉRAL DE RAPATRIEMENT SERONT EN PRINCIPE RENVOYÉS EN ALGÉRIE QU’ILS DEVRONT REJOINDRE AVANT QU’IL SOIT STATUE SUR LEUR DESTINATION DÉFINITIVE. LE PERSONNEL DÉJÀ REGROUPÉ SUIVANT LES DIRECTIVES DES 7 ET 11 AVRIL JE N’IGNORE PAS QUE CE RENVOI PEUT ÊTRE INTERPRÉTÉ PAR LES PROPAGANDISTES DE LA SÉDITION COMME UN REFUS D’ASSURER L’AVENIR DE CEUX QUI NOUS SONT DEMEURÉS FIDÈLES.

IL CONVIENDRA DONC D’ÉVITER DE DONNER LA MOINDRE PUBLICITÉ À CETTE MESURE MAIS CE QU’ IL FAUT SURTOUT OBTENIR C’EST QUE LE GOUVERNEMENT NE SOIT PLUS AMENÉ A PRENDRE UNE TELLE DÉCISION.

SIGNÉ : LOUIS JOXE
1825/1205

JE RÉPÈTE 1676 223/Z 215/Z ET 11 AVRIL – LOUIS JOXE -

 

 


VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs 

7 - LES HARKIS, CES OUBLIÉS DE L’HISTOIRE par Joseph CASTANO le 25 septembre 2016

« Les harkis, ce magma dont il faut se débarrasser sans attendre » - De Gaulle, lors du Conseil des Ministres du 4 Mai 1962 – (rapporté par Alain Peyrefitte)

Héros pour les uns, traîtres pour les autres, l’histoire des harkis est mal connue des Français. Dans le langage courant, on désigne aujourd’hui sous le nom de harkis toutes les catégories de supplétifs de la guerre d’Algérie : harkis, moghaznis, Groupes Mobiles de Sécurité, Groupes d’autodéfense, unités territoriales et auxiliaires de la gendarmerie, à l’exclusion des appelés et des militaires sous contrat.

C’est en janvier 1955 que, pour les besoins de guerre d’Algérie, virent le jour les premières unités musulmanes.

A partir de 1957, las de la tyrannie du FLN qui multiplie les sévices à l’encontre des populations autochtones du bled : enlèvements, rançons, égorgements, razzias sur les douars, sévices multiples et raffinés, les habitants vont se soulever et rejoindre en masse l’armée française.

En décembre 1958, à l’initiative du général Challe, le nombre des harkis passera de 28.000 à 60.000. Ils formeront d’efficaces groupes de combat œuvrant au plus près des soldats d’élite, paras, légionnaires et commandos.

En 1959, 6.000 d’entre eux seront affectés dans les Commandos de Chasse créés dans chaque Secteur pour éliminer les rebelles qui ont échappé aux opérations du Plan Challe. Par ailleurs, 2.000 douars représentant 55.000 hommes armés, seront placés en autodéfense, soit un total de 223.000 soldats autochtones qui combattront sous l’uniforme français avec une efficacité et une ardeur reconnues de tous…

Fin 1958, la guerre est pratiquement terminée sur le terrain. Le FLN, exsangue, ne se maintient plus que par ses attentats sournois et barbares. R.

MADAOUI, alors officier de l’Armée de Libération Nationale (ALN), rejoindra, comme sous-lieutenant, une unité régulière de l’armée française dans l’Ouarsenis puis, plus tard, les rangs de l’OAS. Il écrira : « L’espoir est si grand que la Wilaya IV (la sienne) pavoise aux couleurs de la France, que les rebelles cessent les attentats et déposent leurs armes devant les mairies ». Ainsi, les fellaghas, eux-mêmes, sûrs de leur impuissance, brandissent des drapeaux français dans leurs repaires…

L’ex-officier de l’ALN, Ali BOUZIANE, qui rejoindra les harkis du fameux « Commando Georges », unité créée par le Colonel BIGEARD, écrira sur ce point : « La population, qui était notre raison de combattre et notre soutien, nous abandonne. J’ai confiance en De Gaulle, et mes frères dans le maquis aussi. Nous avons été trompés, et l’Algérie heureuse, nous la ferons avec lui ».
(C'est tout prévu comme ça  !! S. GAUTIER)

 


George
Commando Georges

 

De Gaulle, désormais installé à l’Élysée, reçoit le Bachaga BOUALAM qui lui dit :
« Mon général, donnez-moi 500 000 harkis, et vous pouvez renvoyer tous les appelés chez eux ; je vous garde l’Algérie à la France. »

De Gaulle ne répondra mot et, contre toute attente, se prononcera pour l’intégration, solution utopique à laquelle ni les Musulmans, ni les Européens, ni les militaires, ne croient.

 

 

bachagha boualem
Bachaga  Boualam

 

Le 19 janvier 1960, recevant exceptionnellement les élus d’Algérie, De Gaulle les sidéra en déclarant avec une certaine hauteur : « L’intégration est une connerie, d’ailleurs, l’armée ne fait que des conneries ! » Et, toisant insolemment le député musulman M’hamed Laradji, il ajouta avec un mépris glacial : « Les Musulmans ne seront jamais des Français ! ».

 

M hamed Laradji

M’hamed Laradji

 

Laradji qui eut dix membres de sa famille assassinés par le FLN soutint le cynisme de de Gaulle en insistant sur le fait que la politique menée par le Chef de l’État allait faire souffrir les Algériens pro-français… ce à quoi, la « grandeur gaullienne » répondit sèchement : « Eh bien, vous souffrirez ! ».

Le 10 juin 1960, le colonel de l’ALN, SI SALAH, chef de la wilaya IV (Algérois), décide de faire un putsch contre le GPRA et, reçu avec ses adjoints, les commandants Si Mohamed et Lakhdar à l’Élysée par De Gaulle, ils lui annoncent la reddition dans un premier temps des trois quarts des combattants de l’ALN. Mais De Gaulle, ne voulant déjà plus entendre parler de l’Algérie française, leur opposera une fin de non recevoir et ses services, par la voix d’Edmond Michelet, informeront le Ministre des Affaires extérieures du GPRA, Krim Belkacem, de cette proposition de reddition. Commencera alors une purge sanglante au sein de leurs partisans qui ne connaîtront aucune clémence de la part des « frères » installés en Tunisie. Le secret de cette entrevue avec le Maître de l’Élysée devant être rigoureusement gardé, tout sera mis en œuvre pour éliminer définitivement les derniers témoins et Si Salah et Si Mohamed seront tués par les troupes françaises dans des conditions plus que curieuses…

Dès lors, cette affaire qui se présentait comme une immense occasion pour apporter une paix française à la guerre d’Algérie, se terminera dans le sang et demeurera la grande énigme de ce conflit.

Après l’échec du putsch d’avril 1961, les harkis, soucieux, désemparés et amers, répèteront inlassablement à leurs chefs : « Il fallait déclarer la mobilisation générale en Algérie, faire une levée en masse de harkis, renvoyer tous les appelés chez eux, et on avait le monde entier avec nous. »

Mai 1961, nouvelle décision désastreuse du général président qui atterrera les Musulmans fidèles à la France : La trêve unilatérale accompagnée de la libération de 6000 fellaghas. Dès lors, l’ALN exsangue, forte de ces renforts successifs, va se reconstituer et reprendre de plus belle ses actions meurtrières sans réelle opposition des troupes françaises, privées par ailleurs d’une partie de leurs unités d’élite dissoutes au lendemain de l’échec du putsch. A partir de ce moment, les supplétifs comprendront que, pour eux, c’est la fin… et les premières désertions verront le jour.

Cependant, avec une inconscience révoltante, les déclarations officielles continuaient de pleuvoir. Dans une homélie fracassante, le général Gambiez s’écriait à l’adresse des harkis : «Vous avez mené le bon combat. Soyez sans crainte, la France ne vous abandonnera pas ! »
Et dans une déclaration aux cadres, Pierre Messmer, le ministre des armées, affirmait avec solennité : « Pour rassurer ceux qui combattent et se sont engagés à nos côtés, nous devons leur répéter la volonté de la France de n’abandonner aucun de ses enfants. »

Cela s’adressait aux Musulmans servant sous l’uniforme français.

 

gambiez                           Messmer

                                                            Pierre Messmer

 

Pourtant le dégagement militaire avait commencé depuis le mois de juin 1961 par le rapatriement de deux premières divisions et l’évacuation de 1.000 postes de protection de la population du bled. Mais afin de rassurer les consciences, on continuait d’assurer avec une apparente conviction qu’en aucun cas la population civile n’aurait à souffrir de ces mesures ou à voir sa sécurité diminuer…

Quel leurre !... Pauvres Musulmans ! Vous avez accepté de servir dans les groupes d’autodéfense ou les unités combattantes, vous êtes devenus des harkis, c’est-à-dire, soldats de la France : vous serez égorgés, tués à la hache, ébouillantés, coupés en morceaux ; vous aurez les yeux crevés, les mains coupées, vous serez traînés dans les rues sous les huées d’une foule déchaînée et vous périrez après d’horribles tortures !

Ah ! Quelle déchéance et quelle souffrance de mourir ainsi en sachant combien cette France qu’ils avaient tant aimée était veule, combien elle était lâche devant la fourberie, la trahison et le despotisme…

Ce fut l’un des grands mensonges de ce drame algérien qui en avait vu tant, mais d’autant plus odieux qu’il couvrait l’abandon et la mort d’innombrables Musulmans livrés à la vengeance du FLN.

Mais qui aurait pu penser, en Métropole, que depuis sept ans des soldats Musulmans pourchassaient sans répit les fellaghas, que depuis sept ans ils mouraient pour la France et l’Algérie française… et que depuis des mois on cherchait à faire oublier –comme jadis en Indochine- leur existence ?

Mais comment cacher qu’en nombre croissant, ces Musulmans fidèles rejoignaient les combattants de la cause française… c'est-à-dire, l’OAS ?

Si les sphères dirigeantes ne savaient plus comment cacher cette nouvelle situation, le GPRA n’ignorait pas qu’il ne pourrait leur imposer son autorité que si auparavant, l’armée française les avait désarmés.

Du coup, l’Élysée prit peur. Il fallait à tout prix désarmer ces hommes trop zélés qui s’imaginaient encore pouvoir rester français…

Et ce fut, alors, l’ignoble campagne de désarmement, la conclusion du pacte tacite entre le Pouvoir et le FLN

Après avoir évacué les postes militaires du bled et les avoir remis, intacts, aux ennemis d’hier, la troupe reçut l’ordre de désarmer les autodéfenses. Pour ces pauvres gens qui avaient eu confiance en la parole de la France et en ses officiers, la restitution des armes signifiait la mort à plus ou moins brève échéance…

Sans doute, que les militaires avaient reçu des ordres stricts. Sans doute, ils se devaient d’obéir à ces ordres. Mais le serment de jadis de conserver l’Algérie à la France et de protéger cette population n’avait-il pas été également prononcé ?

Le vieil honneur qui vous lie à une parole est-il une chaîne dont il est loisible de couper les anneaux ? La vie est bien longue à celui que trouble le remords…

Dès lors, désarmés, livrés sans défense à la vindicte du vainqueur, le génocide des harkis commençait…

 

harkis familles

 

Et dans toute l’Algérie on fusilla, après avoir torturé, on mura dans des bâtisses de pierres, on enterra vivants, on brûla sur des bûchers, on flagella, on égorgea, on roua de coups des victimes enfermées dans des sacs, membres liés.

Dans le Nord-Constantinois, des femmes tuèrent même des captifs à coups de dents !…

Dans le bled où le drapeau vert et blanc remplaçait désormais le tricolore, les Musulmans qui avaient toujours été fidèles à la France s’accrochaient désespérément aux camions militaires français et, à bout de force, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Ce sont des images que seuls ceux qui ont une conscience ne pourront de si tôt oublier…

Et l’horreur de la situation devint telle que le Lieutenant de Vaisseau Cucherat rejoignit les rangs de l’OAS et résuma dans un cri d’indignation à l’adresse des officiers français toute cette tragédie :

« Il n’y a pas en ce monde d’expiation qui puisse ressusciter les harkis ébouillantés, effacer les mutilations des suppliciés… réparer le suicide des pères désespérés, ou guérir les vieillards conduits à la folie par votre traîtrise et votre lâcheté. Il n’y a pas de drogue qui puisse endormir en vous cette honte et ce remords qui vous empêcheront de plus regarder jamais dans les yeux, à supposer qu’ils vivent encore, le chef de votre ancienne harka, ou le maire de votre regroupement, et tous ceux qui avaient cru en votre parole, s’étaient engagés derrière vous et à qui vous avez menti… »

 

OAS1

 

Lieutenant de Vaisseau CUCHERAT

Lieutenant de Vaisseau Jean-Louis CUCHERAT
  Chef du commando de marine "de Monfort"

 

Joseph Castano

José CASTANO

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NB : Alors que les « gogos de service » commémorent toujours « l’appel du 18 juin », et le « 19 mars 1962 » (date du cessez-le feu en Algérie), il est bon de rappeler les ordres criminels donnés par de Gaulle lors des séances du Comité des Affaires Algériennes, qu'il présida de 1959 à 1962.

 

50 ans de réflexion politique

 

Ceux-ci furent rapportés par son conseiller, Raymond Aron, dans ses mémoires « 50 ans de réflexion politique » (p.388 – Julliard) : « les harkis, pour la plupart, furent livrés à la vengeance des vainqueurs sur l'ordre peut-être du général de Gaulle lui-même qui par, le verbe, transfigura la défaite et camoufla les horreurs... ».

Cette action criminelle fut dénoncée au Parlement dès mai 1962 par le Bachaga Saïd BOUALEM, Vice-président de l'Assemblée Nationale, et par le Professeur Maurice Allais, Prix Nobel d'Économie, dans son ouvrage « L'Algérie d'Évian » (L'Esprit Nouveau - mai 1962).

Le président algérien Abdelhaziz Bouteflika a reconnu ce massacre en déclarant sur Radio-Beur FM, en octobre 1999, parlant de la répression contre le GIA : « Nous ne faisons pas les mêmes erreurs qu’en 1962 où, pour un harki, on a éliminé des familles et parfois des villages entiers ». (« La Croix » du 17 juin 2000).

 

Illustrations Alain Avelin - Assistant technique du site

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