5.2 - Désarmés et livrés aux massacres - Décision du plus haut sommet de l'Etat

VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le calvaire des Harkis, supplétifs

4 - Drame des Harkis en 1962 - Conférence du Général François MEYER - Paris - 7 mars 1999

Extraits de la conférence
LE DRAME DES HARKIS EN 1962

Général François MEYER, ancien lieutenant chef de harka.

Rencontre " HISTOIRE et MÉMOIRE " - Les Harkis, 1954‑62

Paris, Pavillon Gabriel, dimanche 7 mars 1999

Lieutenant en Algérie, j'ai servi pendant quatre années au 23ème régiment de spahis en Oranie, de 1958 à 1962, dans une unité où le concours des algériens musulmans était considérable et j'ai commandé successivement deux harkas, en tant que chef de commando du Secteur opérationnel à Géryville, puis à Bou Alam toujours en Sud-Oranais. Je crois avoir connu une guerre dont la réalité a échappé à de nombreux Français, la guerre civile entre les Algériens au moment de la décolonisation.

Je précise que je n'avais jamais promis à mes soldats que la France resterait en Algérie, et que j'ai seulement écouté avec eux les allocutions du Général de Gaulle, ainsi que les nombreux discours des autorités civiles et militaires, qui nous fixaient bien suffisamment les objectifs politiques de nos combats. J'ai simplement promis à mes harkis que je resterais avec eux jusqu'au "dénouement", et prolongé en conséquence mon séjour. Mon adjoint, le sous‑lieutenant d'Agescy a fait de même.

Au milieu des combattants musulmans, j'ai donc vécu la dissolution des harkas, c'est‑à‑dire leur désarmement et leur démobilisation. Avec les spahis de mon commando, militaires engagés, qui avaient refusé la rupture de leurs contrats, et donc le désarmement, j'ai pu assurer la protection des familles des anciens supplétifs en attente de départ pour la France, les aider dans les formalités administratives qu'ils devaient accomplir, et témoigner de ce` que ces anciens soldats étaient réellement menacés dans leur vie, puisque c'était à cette condition seulement que les autorités militaires avaient reçu l'ordre de prendre en compte les demandes de transfert en métropole.

J'ai participé à l'organisation d'un premier convoi vers la France le 13 juin qui est arrivé au camp du Larzac le 16, et j'ai moi‑même accompagné un deuxième et dernier convoi le 9 juillet, qui est arrivé au camp de Sissonne le 16 juillet 1962.

Ce qu'ont vécu en 1962 les anciens supplétifs et les anciens engagés, tous soldats de la France, ne doit pas être éternellement caché. Il est important que l'histoire de cette période soit établie dans toute sa vérité. Aujourd'hui, les revendications des fils et des filles de harkis sont d'abord des exigences de considération et de dignité. Il n'y aura pas pour eux de paix sociale tant que l'opinion publique restera dans l'ignorance de ce qui s'est passé. Trop de Français, moins d'ailleurs par parti pris que par méconnaissance, les appellent encore "fils de traîtres", car jamais la reconnaissance de la France ne leur a été manifestée de façon claire, officielle, éclatante.

C'est un devoir de vérité et de réhabilitation sans équivoque que la France doit s'imposer. Les historiens et les chercheurs ont ici un travail important à mener, et dans ce cadre, ces journées "Histoire et Mémoire" qu'organise aujourd'hui "Jeune Pied Noir", constituent une manifestation d'un incontestable intérêt. Aussi je remercie Bernard Coll et Taouès Titraoui de me donner ici la parole.

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POUR CONCLURE :

Il est évident qu'au moment de leur désarmement, les supplétifs n'ont pu exercer d'autre "libre choix" que de retourner dans leurs villages pour y attendre la suite des événements.

Dès le 19 mars à Saint Denis du Sig, en Oranie, les premiers harkis seront assassinés, seize hommes et une femme, et ce massacre déclenchera une émeute.

Ce n'est qu'un mois plus tard que les armées prendront de premières mesures pour protéger les anciens supplétifs. Ce n'est que trois mois après les licenciements que les premiers rapatriements du "Plan Général" seront effectués. Pendant ces temps d'indécision - ou de non décision - les supplétifs seront soumis à des pressions qui leur seront finalement fatales.

Il eût fallu organiser le rapatriement des combattants musulmans "menacés" dès leur désarmement.

Le Gouvernement avait été prévenu. En octobre et en novembre 1961, un questionnaire avait été adressé par le Ministre d'Etat aux Préfets en Algérie. En réponse, ceux-ci avaient averti: " Les musulmans engagés à nos côtés ne seront pas protégés. La seule protection efficace pour eux sera le transfert en métropole." Les préfets ajoutaient également " les musulmans ne souhaiteront pas quitter leur pays... Ils devront être informés du caractère relatif des garanties."   Attachés à leur terre et à leur manière de vivre, ils n'imaginaient pas non plus un pareil abandon.

Ne pouvait‑on aussi prévoir que le F.L.N. voudrait éliminer les anciens harkis, témoins sinon acteurs de son échec militaire ? afin d'instaurer ce mythe d'un peuple "uni" se libérant de l'emprise coloniale par la force, et mieux réaliser ainsi l'indispensable cohésion nationale autour d'une origine glorieuse ?

On connaît ce tract du F.L.N. en 1961 " L'heure de la victoire approche. Où irez‑vous après ? L'ennemi retire ses fils et vous fait avancer les premiers... pour qui mourrez-vous ? Demain les colonialistes français vous abandonneront, les métropolitains ne voudront jamais vous laisser pénétrer dans leur terre... désertez, abattez vos officiers assassins ..."

Ils n'ont pas abattu leurs officiers, ils n'ont pas non plus déserté, sinon certains en mars 1962, quand ils se sont vus abandonnés. - De Gaulle pourtant n'a jamais fait grand cas de ces combattants. " Il faut se débarrasser sans délai de ce magma de supplétifs qui n'a jamais servi à rien..." déclarait‑il le 3 avril, au cours d'une séance du Comité des Affaires Algériennes. - Rien d'étonnant à ce que dans une Note du 7 avril, Louis Joxe ait aussi écrit, parlant des Harkis et des Moghaznis, " de toute manière, on fera effort pour maintenir ces personnes en Algérie.

Qui peut refuser de voir la responsabilité du Gouvernement de la France dans le drame des harkis en 1962 !

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