8.2 - Les hélicoptères bombardent de l’autre côté de la Grande Poste : le square Bresson

3 - Témoignage de Charlette Picard

Un peu plus loin à droite, la rue Dumond d’Urville grimpe vers la rue d’Isly. Au début de celle-ci, le grand magasin des Galeries de France. Les premiers éléments de la colonne provenant du plateau des Glières étaient à ce niveau quand la fusillade éclata (Francine Dessaigne)

Ce 26 mars 1962 munies d’un mouchoir dans une poche te d’une carte d’identité dans l’autre, avec mon amie Monique, nous sommes arrivés au carrefour de la Grande Poste presque une heure en avance sur le rendez-vous fixé pour la marche vers Bâb el Oued.

Notre destin a voulu que nous commencions à marcher au milieu de la rue d’Isly, précédant d’assez loin le gros de la foule, ignorant que nous échappions ainsi à la fusillade.

La statue de Bugeaud dépassée, nous avons entendu les détonations. Continuant notre chemin sans trop d’inquiétude (il y avait très peu de monde avec nous) nous sommes arrivées au haut de la rue Dumont d’Urville et c’est alors que nous avons vu poindre un hélicoptère d’où sont tombées des grenades qui éclatèrent non loin de nous, répandant un gaz qui eut pour effet de nous « couper les jambes » avec une sensation très pénible d’étouffement, à tel point que, Monique qui ne s’était pas protégé le visage - comme je l’avais fait avec mon mouchoir – ne pouvait plus avancer. Je l’ai pratiquement traînée jusqu’à une porte d’immeuble, la seule heureusement ouverte. Avec un petit groupe de gens affolés, nous nous sommes retrouvées au troisième ou quatrième étage où une âme charitable a ouvert sa porte, nous a permis de nous rafraîchir le visage et de reprendre nos esprits.

Monique avait garé la voiture sur l’avenue au-dessus du Forum. Je ne sais pourquoi, nous avons emprunté, pour aller la reprendre et remonter vers le boulevard Gallieni, la rue Mogador et des escaliers montant au GG. Nous nous détournions ainsi de la Grande Poste sans nous douter du drame qui venait de s’y dérouler. Nous ne le sûmes que dans la soirée par la radio.

J’habitais boulevard Gallieni. Mon amie m’a laissé au carrefour près de l’église Sainte Marie. Toute la place était bloquée par des gendarmes mobiles. Il devait être 4 heures environ. Je suis allée dire à un gradé que j’habitais tout près et voulais renter chez moi. Il m‘a répondu que c’était interdit. Je n’avais pas de sac, seulement un mouchoir et ma carte d’identité dans ma poche que je lui ai montrée. J’ai insisté vigoureusement et il m’a conduite à l’entrée du boulevard. J’ai marché au milieu de la chaussée car les trottoirs étaient occupés par des gendarmes arme au poing et, chaque fois que je passais devant, j’entendais le cliquetis de l’arme qu’on charge.

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En bleu la rue d’Isly qu’empruntent les premiers manifestants. Ils dépassent la place d’Isly et la statue de Bugeaud et arrivent à la fin de la rue d’Isly au haut de la rue Dumont d’Urville.
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rouge le haut de la rue Dumont d’Urville où sont larguées les grenades suffocantes.

 
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