8.1 - Les hélicoptères bombardent les hauts d’Alger : Plateau Sauliere – l’Agha – la rue Michelet – la Robertsau …

3 - Madame Espi - (Un crime sans assassins – page 100)

Madame Espi nous a confié le texte qu’elle avait rédigé au lendemain du drame, pour ne jamais l’oublier.

« Avec mon mari Sauveur et ma nièce Nicole, nous nous trouvions devant la pharmacie Raine qui faisait un angle avec la rue Michelet et la rue Richelieu. Nous parlions avec Monsieur et Madame Lhermitte, nos voisins de Baïnem. J’ai vu des militaires français qui avaient installé un fusil mitrailleur sur la terrasse de l’immeuble où se trouvait un tailleur, Monsieur Bouillon (immeuble situé face aux facultés). J’ai vu ces militaires tirer des rafales sur des personnes se trouvant dans la rue Michelet. Je n’osais pas traverser tellement les rafales étaient précipitées. Nicole traverse en enjambant la barrière de fer qui protégeait les trottoirs. J’essaie de traverser la rue Richelieu, des rafales de mitrailleuse prenaient en enfilade toute la rue depuis le bas (par des CRS). Un cordon de militaires arabes barrait la rue. L’un d’eux me mit le canon de son fusil sur l’estomac. Derrière moi, les Lhermitte et d’autres messieurs levaient les bras. L’arabe n’a pas tiré. Il disait : « Tu passes pas … Tu passes pas ». J’ai couru vers la droite et j’ai pu, je ne sais comment, traverser la rue Michelet et rejoindre ma nièce dans l’encoignure d’une porte. Sauveur, mon mari, au milieu de la rue, appelait au calme. Je criais et lui demandais de me rejoindre. Une femme me fit taire en me disant que les balles étaient à blanc. Elle revint sur sa supposition lorsque nous vîmes les ambulances et les camionnettes particulières transporter des cadavres empilés les uns sur les autres.

Nous décidons alors de rentrer chez nous, rue Horace Vernet. Sauveur s’arrête et discute avec Monsieur Deveza à la hauteur de la rue Edgar Quinet. Nicole et moi prenons le rue Meissonnier. Nous étions seules. Un hélicoptère nous a suivies tout le long de cette rue en nous bombardant de grenades lacrymogènes. Il n’y avait personne dans cette rue que nous deux.

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En bleu le flux de la manifestation jusqu’à la Grande Poste. Madame Espi se trouve à la jonction des rues Michelet- Richelieu.

Monsieur Deveza et Monsieur Espi vont s’arrêter rue Edgard Quinet, plus haut sur la gauche, tandis que Madame Espi et sa nièce continuent de remonter en empruntant la rue Meissonnier, pour rejoindre leur habitation rue Horace Vernet, tout en haut à gauche.

Elles ont été bombardées de gaz dans cette rue Meissonnier déserte, en rouge sur le plan.

Il s’agissait de bombes lacrymogènes.

En fait les hélicoptères ont bombardé le Plateau Sauliere.

Lire le témoignage de Roger Sudry au sujet des gaz et de l’ypérite : ICI

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