2.14 - Des bombes lacrymogènes de combat sont larguées sur les manifestants (Francine Dessaigne – Roger Sudry)

 

IV - Date emblématique d'un massacre collectif  - Lundi 26 mars 1962 à Alger 

LES BOMBES SONT LARGUÉES SUR LES MANIFESTANTS

1 - Enquête de Francine Dessaigne page 135 : extraits Un crime sans assassins


« Nous avons effectué un mouvement tournant autour du plateau des Glières. Après avoir remonté la rue d'Isly à contre-courant du flux de la manifestation, nous atteignons le périmètre tenu par le 4ème RT.
De ce qui précède on peut déjà tirer un certain nombre de conclusions :* Pendant que la fusillade se déchaînait rue d’Isly, beaucoup des membres des forces de l’ordre ouvraient le feu un peu partout aux alentours, non seulement les CRS au carrefour de l’Agha mais aussi des soldats, d’autres CRS et des gendarmes mobiles. Ceux qui ne se sont pas contentés de nier les faits affirment avoir seulement riposté à des attaques de l’OAS ou d’Algérois. Aucun témoin civil ne confirme ces dires.

*Tous ceux qui ont été confrontés aux grenades suffocantes, employées dans la rue Michelet et surtout au square Bresson, en ont été fortement commotionnés. Personne n’y a résisté, ces grenades étaient parfaitement efficaces. On regrettera, on s’étonnera aussi qu’elles n’aient pas été utilisées au lieu crucial, place de la poste et rue d’Isly, alors que les troupes en place avaient reçu l’ordre d’empêcher le passage  … par tous les moyens  (y compris par le feu - S.G.). Pourquoi ailleurs et pas à cet endroit ? Au milieu d’une accumulation d’apparente négligence et de bizarreries troublantes, cette anomalie amènera les Algérois à la certitude que les autorités voulaient le drame et qu’elles l’ont soigneusement organisé.

*Dans le chapitre des anomalies on remarque aussi la facilité avec laquelle les manifestants se sont rendus jusqu’au plateau des Glières. Ceci apparaîtra plus encore dans les témoignages qui suivent. Certes des barrages infranchissables ont empêché les habitants de certains quartiers extérieurs de rejoindre le centre, il n’était pas question de tolérer le rassemblement de plusieurs centaines de milliers de personnes … mais à l’intérieur de la ville beaucoup de « barrages mous » ont seulement canalisé la foule. Et que dire de ceux qui ont contraint les passants à entrer dans la nasse !

*De nombreuses terrasses de bâtiments publics et d’immeubles privés étaient occupées par des militaires, surtout dans la rue Michelet. Au lendemain de ces tragiques évènements les autorités publièrent un communiqué pour démentir formellement la présence de troupes sur les terrasses. Il s’agissait d’un mensonge patent, ceci est démontré aujourd’hui par les documents militaires eux-mêmes. »
…….     
Francine Dessaigne précise page 119 :
Des barrages isolant Bâb el Oued se trouvait à proximité de la caserne Pélissier qui fait face au lycée Bugeaud. En revenant vers le centre, on emprunte successivement deux rues en arcades, Bâb el Oued et Bâb Azoun, qui bordent la Casbah. Aucun manifestant ne parvint jusque –là. Nous débouchons sur le square Bresson où nous trouvons nos premiers témoins. Face aux manifestants qui arrivent, des CRS et derrière eux, les chars qui ont reçu officiellement l’ordre de tirer si les Algérois tentent de franchir leur barrage (…au besoin par le feu - De Gaulle.)

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En bleu les flux de la manifestation
Au centre en rouge au N° 10 l'armée tire sur la foule.
En rouge sur les hauteurs d'Alger les hélicoptères larguent leurs bombes lacrymogènes sur les quartiers de l'Agah, plateau Saulière, rue Michelet,  la Robertsau

De l'autre côté de la poste, ils bombardent les manifestants, square Bresson et  quartier de l'Opéra


IV - Date emblématique d'un massacre collectif  - Lundi 26 mars 1962 à Alger

2 - Apport et éclairage de Roger Sudry que nous remercions - mars 2013

-  Extrait de son témoignage

-  Les gaz lacrymogènes utilisés par l'Armée française le 26 mars 1962 à Alger

- Extrait...  Lire le témoignage complet : ICI

Nous venons tout juste de passer devant l’église Saint Charles (23 rue Denfert Rochereau S.G.), lorsque d’un hélicoptère surgissant au ras des toits, tombe une bombe lacrymogène d’un calibre impressionnant. Elle explose pratiquement sur nous et un nuage jaune très toxique nous enveloppe. Le plus exposé, j’inhale une grande quantité de gaz et suis immédiatement aveuglé par la puissance du produit qui n’a rien de comparable avec celles des traditionnelles grenades … que j’ai déjà expérimenté ! J’apprendrai plus tard par un officier du Génie qu’un dérivé d’ypérite rentrait dans la composition de ces fameuses bombes !!! Réfugiés dans un hall d’immeuble avec mes amis moins atteints, l’angoisse me gagne quand un civil apparaît et nous demande d’où nous venons. D’abord sur nos gardes, pensant avoir affaire à quelque barbouze, nous sommes soulagés d’apprendre que notre interlocuteur n’est autre que le docteur BEAUVE, ophtalmologue, qui a son cabinet au premier étage. C’est une chance incroyable … un véritable miracle. Totalement aveugle, le médecin me prodigue les soins d’urgence que mon état nécessite. Grâce à ce traitement, je recouvre la vue deux heures plus tard. Sans cette providentielle rencontre je risquai une cécité plus ou moins partielle.

Les gaz lacrymogènes utilisés par l’armée française le 26 mars 1962 à Alger

Dans mon livre de souvenirs (« Mon Alger tricolore », tome 2) j’avais évoqué l’intervention d’un hélico de l’armée, dès la fin de la tuerie de la rue d’Isly, d’où étaient larguées des grenades lacrymogènes sur les rescapés de la fusillade…

Victimes de cette attaque alors que j’arrivais au niveau de l’église Saint Charles, rue Denfert-Rochereau, sévèrement atteint et miraculeusement secouru et soigné sur place par le Docteur Beauvais, ophtalmologue, je suis aujourd’hui – 50 ans plus tard - en mesure de confirmer avec plus de précision encore ce qu’un capitaine du Génie me confiait à l’époque à Alger :

Ce n’étaient pas des grenades lacrymogènes qui étaient larguées sur nos têtes mais des bombes lacrymogènes de combat utilisées jusque-là par l’armée pour exterminer les fellouzes dans les grottes qui leur servaient de refuge dans le djebel…

Des militaires de haut rang, amis de longue date, m’ont remis tout récemment une documentation édifiante sur la dangerosité du chlorobenzylidène manonitrile ou gaz CS composant ce type de munition à très forte concentration.

Je cite les conclusions de cette étude sans en changer la moindre virgule :

Effets sur l’organisme

Les voies respiratoires et le système digestif sont les premiers touchés en l’espace de 20 à 60 secondes. Dès l’exposition, on assiste à une activation intense des voies lacrymales, une irritation des voies respiratoires et des nausées accompagnées de vomissements selon la dose. La salivation est accentuée. À forte dose, il peut provoquer des hémorragies internes, des œdèmes pulmonaires et une détresse respiratoire qui peut être fatale. Le foie, le cerveau et les reins sont particulièrement vulnérables. Les substances produites lors de la dégradation du CS par le métabolisme comme le cyanure sont très toxiques. Les effets à long terme sont moins connus mais le CS peut induire des bronchites, de l’asthme, des maladies du foie et des reins ainsi que des troubles neurologiques comme l’épilepsie.

Il faut savoir que ce gaz a été employé aux USA lors de l’assaut mené contre le repère de la secte de David Koresh à Waco (plusieurs victimes) ainsi qu’en Irlande, à Londonderry contre l’IRA ; après enquête officielle lancée sur les effets médicaux du CS, l’armée britannique a cessé d’utiliser ce type de munitions.

Le pouvoir politique français n’a pas eu autant de scrupules à notre égard… Il fallait nous réduire par tous les moyens…

Pour nous, pas de repentance, mais l’obligation de d’oublier et de vous taire.

Roger Sudry
31 rue Clément Roassal
06000 Nice

 

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En bleu le flux des manifestants
En rouge la ru Denfert Rochereau. Le rond rouge représente le Commissariat de Police. L'Eglise Saint Charles au N° 23 n'est pas loin

 

IV - Date emblématique d'un massacre collectif  - Lundi 26 mars 1962 à Alger

3 - LE GAZ MOUTARDE - Source wikipédia

•    Le gaz moutarde est un composé chimique cytotoxique, vésicants avec la capacité de former de grandes vésicules sur la peau exposée.
•    Il a été particulièrement utilisé comme arme chimique pendant la Première Guerre mondiale.
•    Sous sa forme pure et à température ambiante, c'est un liquide visqueux incolore et sans odeur qui provoque des cloques sur la peau. Il attaque également les yeux et les poumons.
Son nom vient d'une forme impure du gaz moutarde dont l'odeur ressemblait à celle de la moutarde, de l'ail ou du raifort. Il est aussi nommé parfois ypérite (dérivé du nom de la ville d'Ypres (Ieper) en Belgique où il fut pour la première fois utilisé au combat le 11 juillet 1917moutarde au soufre, Kampfstoff LOST, ou gaz LOST. Il peut être létal mais sa première fonction est d'être très fortement incapacitante.•    
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•    1918, par les Allemands à Verdun et dans la Marne
•    1919, par les Britanniques en Afghanistan
•    1925, par la Grande-Bretagne, sur la population, au Kurdistan (dans la région de Mossoul), par ordre de Winston Churchill
•    1925, par l'Espagne et la France pendant la guerre du Rif
•    1934-35, par l'Italie durant son occupation de l'Éthiopie
•    1934-44, par le Japon contre la Chine
•    1963-67, l'Égypte l'utilise dans la république arabe du Yémen
•    1983-1988, le régime de Saddam Hussein l'utilise contre les populations kurdes au nord de l'Irak. Le gaz a également été déployé durant la guerre opposant l'Irak à l'Iran
Après la guerre du Golfe, plusieurs centaines de tonnes de gaz moutarde sont éliminées en Irak par l'UNSCOM.
Sur le front occidental, Joffre se fait fort d'user les troupes allemandes déployées face à lui et de percer leurs lignes en lançant de puissantes offensives. En 1915 six grandes offensives sont donc lancées par les alliés : deux en Champagne, trois en Artois et une sur la Woëvre. Celles-ci ne doivent pas occulter les nombreuses opérations dites "secondaires" conduites de part et d'autre du front comme en Flandres, sur le Chemin des Dames, en Argonne, dans les Vosges afin de procéder "à des rectifications du front" ou venant simplement en appui. Ces combats qui ont lieu, bien souvent, dans la pluie, la boue et le froid, consistent à prendre une hauteur, reconquérir une position perdue. Au-delà de ces actions d'usure dans laquelle la guerre des mines joue un rôle important, sans peser réellement sur le cours des événements, Joffre cherche en vain à renouer avec guerre de mouvement. Les Allemands, solidement retranchés, résistent aux desseins français, parfois au prix de lourdes pertes mais toujours avec succès, en utilisant si nécessaire de nouvelles armes comme le gaz. En effet, le 22 avril 1915, prés d'Ypres, ils lâchent dans l'atmosphère 150 tonnes de chlore. Poussé par le vent, le nuage dérive vers les lignes alliées. Chez les Français, essentiellement les Bretons et Normands du 10e CA, c'est la débandade, les corps de centaines de soldats asphyxiés se mêlent aux milliers d'agonisants.
Cette première attaque aux gaz intoxique 5 200 soldats qui mourront dans les heures suivantes : les 73e, 74e, 76e, 79e et 80e R.I.T, le 1er régiment de tirailleurs Algériens, le 2e régiment de Zouaves, les Belges et les Canadiens. 

 

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