2.14 - Des bombes lacrymogènes de combat sont larguées sur les manifestants (Francine Dessaigne – Roger Sudry)

IV - Date emblématique d'un massacre collectif  - Lundi 26 mars 1962 à Alger

2 - Apport et éclairage de Roger Sudry que nous remercions - mars 2013

-  Extrait de son témoignage

-  Les gaz lacrymogènes utilisés par l'Armée française le 26 mars 1962 à Alger

- Extrait...  Lire le témoignage complet : ICI

Nous venons tout juste de passer devant l’église Saint Charles (23 rue Denfert Rochereau S.G.), lorsque d’un hélicoptère surgissant au ras des toits, tombe une bombe lacrymogène d’un calibre impressionnant. Elle explose pratiquement sur nous et un nuage jaune très toxique nous enveloppe. Le plus exposé, j’inhale une grande quantité de gaz et suis immédiatement aveuglé par la puissance du produit qui n’a rien de comparable avec celles des traditionnelles grenades … que j’ai déjà expérimenté ! J’apprendrai plus tard par un officier du Génie qu’un dérivé d’ypérite rentrait dans la composition de ces fameuses bombes !!! Réfugiés dans un hall d’immeuble avec mes amis moins atteints, l’angoisse me gagne quand un civil apparaît et nous demande d’où nous venons. D’abord sur nos gardes, pensant avoir affaire à quelque barbouze, nous sommes soulagés d’apprendre que notre interlocuteur n’est autre que le docteur BEAUVE, ophtalmologue, qui a son cabinet au premier étage. C’est une chance incroyable … un véritable miracle. Totalement aveugle, le médecin me prodigue les soins d’urgence que mon état nécessite. Grâce à ce traitement, je recouvre la vue deux heures plus tard. Sans cette providentielle rencontre je risquai une cécité plus ou moins partielle.

Les gaz lacrymogènes utilisés par l’armée française le 26 mars 1962 à Alger

Dans mon livre de souvenirs (« Mon Alger tricolore », tome 2) j’avais évoqué l’intervention d’un hélico de l’armée, dès la fin de la tuerie de la rue d’Isly, d’où étaient larguées des grenades lacrymogènes sur les rescapés de la fusillade…

Victimes de cette attaque alors que j’arrivais au niveau de l’église Saint Charles, rue Denfert-Rochereau, sévèrement atteint et miraculeusement secouru et soigné sur place par le Docteur Beauvais, ophtalmologue, je suis aujourd’hui – 50 ans plus tard - en mesure de confirmer avec plus de précision encore ce qu’un capitaine du Génie me confiait à l’époque à Alger :

Ce n’étaient pas des grenades lacrymogènes qui étaient larguées sur nos têtes mais des bombes lacrymogènes de combat utilisées jusque-là par l’armée pour exterminer les fellouzes dans les grottes qui leur servaient de refuge dans le djebel…

Des militaires de haut rang, amis de longue date, m’ont remis tout récemment une documentation édifiante sur la dangerosité du chlorobenzylidène manonitrile ou gaz CS composant ce type de munition à très forte concentration.

Je cite les conclusions de cette étude sans en changer la moindre virgule :

Effets sur l’organisme

Les voies respiratoires et le système digestif sont les premiers touchés en l’espace de 20 à 60 secondes. Dès l’exposition, on assiste à une activation intense des voies lacrymales, une irritation des voies respiratoires et des nausées accompagnées de vomissements selon la dose. La salivation est accentuée. À forte dose, il peut provoquer des hémorragies internes, des œdèmes pulmonaires et une détresse respiratoire qui peut être fatale. Le foie, le cerveau et les reins sont particulièrement vulnérables. Les substances produites lors de la dégradation du CS par le métabolisme comme le cyanure sont très toxiques. Les effets à long terme sont moins connus mais le CS peut induire des bronchites, de l’asthme, des maladies du foie et des reins ainsi que des troubles neurologiques comme l’épilepsie.

Il faut savoir que ce gaz a été employé aux USA lors de l’assaut mené contre le repère de la secte de David Koresh à Waco (plusieurs victimes) ainsi qu’en Irlande, à Londonderry contre l’IRA ; après enquête officielle lancée sur les effets médicaux du CS, l’armée britannique a cessé d’utiliser ce type de munitions.

Le pouvoir politique français n’a pas eu autant de scrupules à notre égard… Il fallait nous réduire par tous les moyens…

Pour nous, pas de repentance, mais l’obligation de d’oublier et de vous taire.

Roger Sudry
31 rue Clément Roassal
06000 Nice

 

 01

06

En bleu le flux des manifestants
En rouge la ru Denfert Rochereau. Le rond rouge représente le Commissariat de Police. L'Eglise Saint Charles au N° 23 n'est pas loin

 

Informations supplémentaires