2.1 - Pieds-noirs victimes d'enlèvements : les disparus question occultée - ces archives qui contredisent l'histoire officielle

1 -  "Pieds-noirs : le dossier des disparus" par Guillaume Desanges -  dans Valeurs Actuelles - 29 octobre 2004


04Guillaume Desange

Près de deux mille Français d'Algérie, sur une communauté d'un million, ont été enlevés entre le cessez-le-feu de mars et l'indépendance de juillet 1962. Un crime  que les familles veulent faire juger par la justice française ou européenne.Le dossier des disparusL’anxiété au pas de la porte, l'étonnement de l'accueil reçu, le soulagement de  pouvoir se recueillir sur une tombe, c'est la "nostalgérie".

Les médias ont lar­gement  fait écho des récentes visites de pieds-noirs en Algérie. Trois mille d'entre eux ont traversé la Méditerranée depuis le début de l'année. Un phé­nomène exceptionnel? Pas vraiment. Depuis long­temps, en fait, des Français d'Algérie reviennent sur la terre qui les a vu naître, même si cela reste interdit aux anciens harkis.Les problèmes liés à l'indépendance de l'Algérie demeurent pourtant brûlants.

À l'occasion du 31 e congrès du Cercle algérianiste,les 23 et 24 oc­tobre, de nombreuses associations pieds-noirs et harka se sont réunies à Perpignan autour du thème "Disparus en Algérie 1954-1963: le temps de la vérité et de la justice est-il enfin venu?" Car de nombreuses familles ne savent toujours pas ce que sont devenus leurs proches.

Entre le cessez-le-feu de mars et l'indépendance de juillet, plus de 3 000 pieds-­noirs ont été enlevés en 1962; 1300 ont été libérés mais 1700 ont disparu, dont 800 sont considérés avec une quasi-certitude comme morts. Pour les autres, on ne sait rien. Dans certains foyers on continue de servir, dans l'at­tente de son retour, le couvert d'un parent absent. Comme dans toute affaire semblable, sans procès ni réparation, il est bien difficile de faire son deuil.

Et cela fait quarante ans que les pieds-noirs attendent la reconnaissance officielle de ce drame. Pendant toute la durée des "événements", de 1954 à 1962, 25 000 Européens sont morts ou ont disparu. Sans oublier les 100 000 musulmans fidèles à la France, massacrés pour la plupart après l'indépendance.Le 30 août 2001, des harkis déposent une plainte contre X pour crime contre l'humanité.

Un an plus tard, une quarantaine de familles pieds-noirs suivent l'exemple de leurs compagnons d'infortune.Après avoir été jugées non recevables en première instance et en appel, ces plaintes arrivent devant les juges de cassation. “ Tout se passe à l'époque sur un territoire encore français, au vu et au su des forces de l'ordre ”, constate Me Emmanuel Altit, l'avocat des fa­milles de victimes. Pour lui, “ il y a eu entreprise d'épuration ethnique ”.

La partie civile est optimiste. Les plaintes se­ront rejetées mais aboutiront d'ici cinq ans devant la Cour européenne des droits de l'homme.“Depuis le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, nous assistons à un développement du droit international qui nous est très favorable. ”Le responsable? Le FLN bien sûr.

Mais,pour les pieds-­noirs, l'État gaulliste est également coupable. “ Il a orga­nisé et non pas seulement laissé faire, constate Bernard Coll, de l'association jeune Pied-Noir. Sans la complicité de Pa­ris, rien n'aurait été possible à un FLN vaincu militairement. ”Le 11 juin, les députés ont adopté un projet de loi qui reconnaît “ le rôle positif de la présence française outre-mer ” et “ associe les populations civiles (...) à l'hommage aux com­battants morts pour la France en Afrique du Nord ”.

A la grande déception des associations de rapatriés, la reconnaissance de la responsabilité de l'État a été écartée sous la pression du gouvernement. La gauche, pas mécontente de pouvoir courtiser la communauté pied-noire, s'est empressée de demander la création d'une commission d'enquête sur les responsabilités dans les massacres de 1962.

Ironie du sort, la droite s'apprête donc à perdre le bénéfice du long travail de mémoire engagé depuis le début du septennat de Jacques Chirac.Mais pourquoi l'État freine-t-il des quatre fers?

En coulisse est évoquée la personne de Pierre Messmer, seul artisan de cette période encore en vie : certains pieds­noirs ont en effet déjà porté plainte contre le ministre des Armées de l'époque. Même si cette initiative ne fait pas l'unanimité parmi eux.

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