3.3 - Précarité - Les Harkis

I - Une journée historique - L'exil ou la patrie perdue.

1.2. Les restrictions apportées aux libertés individuelles

Chaque camp d’accueil fonctionne de manière autonome, en autarcie, avec son règlement propre édicté par le directeur du camp. C’est ainsi que le règlement intérieur du camp de Biais impose aux familles la levée des couleurs et le couvre-feu à 22 heures. La note de service du directeur du camp en annexe quatre, donne un aperçu d’une situation qui reste exceptionnelle. L’administration contrôle également le courrier et les colis qui sont ouverts. L’usage des douches est aussi réglementé, limité à une fois par semaine et facturé 0,08 euro. Ces conditions de vie misérables et oppressantes ont des conséquences sur l’état physique et moral des personnes : beaucoup dont des enfants, deviennent dépressifs. C’est ainsi que certains, adultes et enfants, se retrouvent internés en hôpital psychiatrique.

Souhaitant intégrer au mieux les familles de harkis, les animatrices de promotion sociale, affectées dans les camps, choisissent parfois des prénoms français pour les nouveau-nés. Certains directeurs de camps imposent également un prénom français aux enfants et si leurs parents « refusent, le père est expulsé du chantier pour plusieurs jours. Cette mise à pied est terrible pour ces hommes payés à la journée et dans le seul salaire nourrit leurs familles nombreuses ».

Le docteur Jammes a été pendant près de 30 ans le médecin du camp de Bias. Il découvre, lorsqu’il prend ses fonctions au début des années 1970, des baraques insalubres, la promiscuité des familles, les conflits récurrents avec l’administration et des gens totalement désemparés qui ne parlaient pas le français. Selon le docteur Jammes, à Bias, tout était fait pour que les harkis n’aillent pas travailler : voitures interdites, pas de contact avec la population extérieure du camp ». Ancien délégué interministériel aux rapatriés, Guy Forzy, souligne, plus généralement, que les camps d’accueil « sont des camps militaires très sévères avec le couvre-feu à 22 heures. Les enfants ne sont pas scolarisés dans les écoles du village ».

Cependant, tous les harkis ne connaissent pas les mêmes conditions d’accueil et d’installation. Ainsi, Mas-Thibert, village situé au sud d’Arles, en pleine Camargue, est dès 1962, le lieu d’accueil de plusieurs familles de harkis qui rejoignent le bachaga Saïd Boualam, rapatrié par l’armée en mai 1962. Député d’Orléansville et vice- président de l’Assemblée nationale, le bachaga Boualam a passé 21 ans dans l’armée française. Il devient caïd des services civils du douar Béni -Bouatab, puis du douar des Beni-Boudouanes où il constitue une des premières harkas. À son arrivée en France, il s’installe dans une propriété d’une cinquantaine d’hectares où l’armée installe des tentes. En décembre 1962, il emprunte pour acheter une maison et 50 hectares de foin et de rizières destinés à donner du travail aux hommes qui l’ont rejoint. Au milieu des années 70, les harkis de Mas-Thibert forment une population d’un millier d’habitants relativement bien intégrés qui, progressivement, quittent les premiers baraquements pour s’installer dans des logements dans les communes voisines.

Mas-Thibert n’est cependant pas le seul exemple probant d’insertion des familles de harkis. Des harkis ont pu s’établir dans le village de Saint-Valérien dans l’Yonne grâce à des initiatives privées et au soutien du ministère des Rapatriés en 1964. Dans la Somme, des familles kabyles, originaires de la commune d’Iflissen (Algérie), s’installent à Poix sous la protection de la famille Abdellatif. L’action conjuguée d’un lieutenant et de son sergent-chef a permis l’installation à Vic-le-Comte, dans le Puy-de-Dôme, d’une centaine de personnes originaires du même douar. Le jumelage de la commune de Château Renault, dans l’Indre-et-Loire, avec la commune d’Arris avant l’indépendance de l’Algérie ainsi que la possibilité de trouver un emploi dans l’industrie de la chaussure ont ici aussi aidé les familles de harkis à s’adapter plus facilement. »

Pour son information, la section a entendu :

  • Monsieur Hamid Bakria, président de la Confédération régionale des rapatriés harkis du nord ;
  • Monsieur Kamel Benamra, directeur de la formation et de l’emploi, Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (l’Acsé ; ex Fasild) ;
  • Monsieur Brahim Bourabaa, président de l’association Trait d’union ;
  • Madame Zohra Bourougat, présidente du Conseil national des Français rapatriés ;
  • Monsieur Paul Chalier, directeur des affaires interministérielles de la Préfecture de l’Hérault ;
  • Monsieur Emmanuel Charron, président de la mission interministérielle aux rapatriés ;
  • Général Maurice Faivre, membre du Haut conseil des rapatriés ;
  • Monsieur Guy Forzy, membre de section de la section des affaires sociales du Conseil économique et social, ancien délégué interministériel aux rapatriés ;
  • Monsieur Yann Jounot, secrétaire général de la Préfecture du Nord ;
  • Monsieur Jacques Orlianges, secrétaire national d’AJIR ;
  • Général François Meyer, membre du Haut conseil des rapatriés ;
  • Monsieur Jean-Loïc Werth, chef de service chargé des harkis, mission interministérielle aux rapatriés ;

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N.B : L'image N°6 1962.L'exil : Le Sphinx,ancienne et célèbre maison close à l'abandon, sert de lieu d'hébergement pour des familles de rapatriés...

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