7.8 - Rue d'ISLY - Place BUGEAUD

VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

1 - Isly - Place Bugeaud - Milk-Bar - la X° Région

2 - Témoignage du Docteur Jacques BISQUERRA Anésthesiste-Reanimateur

3 - DOMENECH Jean-Claude : "les salauds ils tirent depuis le G.G." (Gouvernement Général)

4 - GARE FLORENSAC Paul : "les noms des victimes sont placardés dans la ville"

5 - PEYRON Francis – "FLORENSAC  "Le choix de cette troupe pour assurer le service d’ordre ne pouvait que déboucher sur un  dérapage"

6 - RISGALLA Jean-Pierre - "sur le visage des soldats une terreur manifeste"

7 - SUCCOJA Michèle : "Tout d'un coup nous avons entendu une détonation"

 

 

1 - Isly - Place Bugeaud - Novelty - Milk-Bar - la Xème Région

7 30

 

En bleu le chemin des manifestants jusqu’à la Grande Poste : Boulevard Baudin, Boulevard Laferrière, rue Charles Peguy, Avenue Pasteur.
En rouge les voies interdites
rue Lelluch, Boulevard Bugeaud ou Rampe Bugeaud, rue d’Isly et place d'Isly

14 - Maison de l'Agriculture
57 - Maison des Etudiants
3 - Gouvernement Général
10 - Grande Poste
24 - Préfecture

12 - Nouvel Hôtel de Ville
E - Hôtel Régina
B - Hôtel Aletti
31 - Eglise Saint-Augustin


VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

2 - Témoignage du Docteur Jacques BISQUERRA  Anésthesiste-Reanimateur

Dr Jacques BISQUERRA - Anesthésiste réanimateur - NICE
à
BRUA Monsieur Jean - Rédaction de Nice-Matin

Nice, Le 27 Mars 1992

Monsieur,

Comme tous mes compatriotes, j’ai lu avec beaucoup d’émotion votre article paru dans le NICE-MATIN du 26 mars 1992 consacré à la fusillade de la rue d’Isly, survenue trente ans auparavant, et je me permets de vous écrire pour vous faire part de mon témoignage personnel sur cette tragique journée, ayant été ce jour-là le témoin de faits précis ignorés, je pense, des Pieds-Noirs comme des historiens qui se sont penchés sur les événements survenus dans les derniers mois de l’Algérie française.

Faits encore profondément gravés dans ma mémoire, et que voici :

À cette époque, donc, j’étais étudiant en 3e année de médecine à la Faculté d’Alger (j’allais avoir 21 ans le 1er août 1962) et j’avais passé le 6 février 1962 le dernier concours de l’Externat des Hôpitaux français d’Alger. Le 25 mars 1962, plusieurs de mes camarades s’étaient réunis pour décider si nous devions, ou non, participer à cette marche pour le lendemain, car certains d’entre nous avaient l’idée (ou le pressentiment) qu’il risquait « de se passer quelque chose » ce jour-là. Finalement, chacun décida lui-même de sa participation, et je me trouvai donc parmi la foule pacifique des manifestants marchant vers Bâb el Oued.

Quand la fusillade éclata, j’étais arrivé à la hauteur du tristement célèbre « Milk-bar », et lorsque le silence succéda au bruit des rafales, je courus en longeant les murs jusqu’à l’endroit du drame, où m’attendait un horrible spectacle que je n’oublierai jamais : blessés allongés sur la chaussée dans des flaques de sang, morts gisant, la boîte crânienne éclatée, au milieu des douilles…

Plusieurs de ces malheureux avaient tenté de se réfugier dans l’entrée d’un magasin de confection situé au début de la rue d’Isly, à droite en se dirigeant vers la place Bugeaud, et avaient été fauchés là par les balles. Brandissant à la main ma carte d’étudiant en médecine, et criant sans cesse « toubib ! » pour me faire reconnaître, je me dirigeai parmi les corps pour porter secours à d’éventuels blessés qui auraient pu se trouver là. Au milieu de ces cadavres entassés les uns sur les autres, se tenait dans l’entrée de ce magasin, face à la rue, donc face à moi, un militaire musulman, son pistolet-mitrailleur braqué sur moi, et qui paraissait être dans un état de panique extrême et, à ses côtés, essayant de le calmer, le sous-officier (ou officier ?) européen commandant le détachement. Je devais être à 2 ou 3 mètres de lui et, rétrospectivement, je pense que j’ai eu beaucoup de chance ce jour-là, car il aurait pu tout aussi bien appuyer sur la détente et me clouer sur place.

Mais le destin en a décidé autrement… Il me laissa finalement entrer dans le fond du magasin où se tenaient d’autres militaires musulmans, et sur le sol gisait l’un d’entre eux, agonisant, une ou plusieurs balles lui ayant transpercé le thorax. J’eus à peine le temps de me rendre compte de la gravité de son état que déjà arrivaient des ambulances et des camions militaires. Les tirailleurs quittèrent alors précipitamment les lieux avec leur chef, emmenant avec eux leur blessé mourant, qu’ils chargèrent dans l’un des camions.

Quelques minutes plus tard, la foule reflua peu à peu sur les lieux de la tragédie, et des jeunes gens et jeunes filles trempèrent un drapeau français dans le sang des morts, toujours entassés dans l’entrée du magasin, et un cameraman (étranger, je crois) filma lui-même cette scène.

Je restai là immobile de longues minutes pour veiller sur ces morts lorsqu’un homme s’approcha et entreprit, malgré mes protestations, de fouiller le portefeuille d’un des cadavres, et repartit après avoir emporté sa carte d’identité. M’étant souvenu du nom porté sur ce document (car il me l’avait montré, j’ignore pourquoi) et n’ayant pas retrouvé ce nom sur la liste des victimes publiée le lendemain par les journaux locaux, je m’étais rendu à la morgue de l’hôpital de Mustapha pour essayer d’identifier ce malheureux « X » et de mettre un nom sur sa dépouille. Inutile de vous dire que le spectacle qui m’attendait me traumatisa profondément, et, en rentrant chez mes parents, je fondis en larmes en repensant à tous ces corps criblés de balles empilés nus, parfois tête-bêche, les uns sur les autres, dans cette sinistre salle.

Trente ans après, je pense comme vous, à la lumière de ces faits dont j’ai été le témoin « privilégié » (si l’on peut dire), que les Pieds-Noirs sont tombés ce jour-là dans un véritable piège, et que ces balles tirées volontairement sur les tirailleurs n’ont eu pour seul but que celui d’entraîner de leur part la réaction que l’on sait, destinée à briser les derniers sursauts des défenseurs de l’Algérie française. Et quand on se souvient du nombre des barbouzes qui évoluaient à cette époque en Algérie, on peut facilement imaginer (et sans top se tromper, je crois) quels furent les auteurs de la provocation qui aboutit à ce massacre.

Voilà résumés, tels que je les ai vécus, les événements de ce 26 mars 1962, que je n’avais jusqu’à ce jour évoqués qu’au sein de ma famille. J’espère, par mon récit dont je peux vous certifier le caractère authentique, avoir pu apporter une modeste contribution à la recherche des causes de cette tragédie, et je vous prie d’agréer,

Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Paraphe illisible.


Tous mes remerciements à Jean BRUA pour la communication de cette lettre S.Gautier

 


zanne1b1Place Bugeaud (en fait place d'Isly) rue d'Isly en allant vers la Grande Poste. Sur la droite - non visible -  se trouve la statue du maréchal Bugeaud  et derrière la statue se trouve l'immeuble de la X° Région

En face, au centre, se trouve l'immeuble du Bon Marché, dessous la Société immobilière Zanetacci et on devine sous les arbres  les lettres du Milk Bar

 


02

Place Bugeaud (Place d'Isly) Statue du général Bugeaud. Vue dans l'autre sens donc en s'éloignant de la Grande Poste. Derrière la statue les locaux de la X° Région d'où sont partis les coups de feu
Plan ES'MMA

 

islymap22 

La X° Région


VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

3 - DOMENECH Jean-Claude : les salauds ils tirent depuis le G.G. 

26 mars 1962, rue d’Isly à Alger : j’y étais

Ce matin-là, j’apprends qu’une manifestation pacifique est prévue en début d’après-midi à Alger, avec pour objectif : tâcher de libérer la population de Bab el Oued assiégée et meurtrie par la féroce répression de ceux qui ne nous aiment pas. Des amis très chers habitent dans ce quartier : je décide donc de m’y rendre dans l’espoir de contribuer à desserrer ce blocus inhumain. J’emprunte un cyclomoteur à un camarade du village, Saint Ferdinand et file vers Alger à 24 kilomètres de là.

Je trouve à stationner, place de l’Agha et me rends à pied rue Michelet, là où les premiers manifestants se rassemblent, à 20 mètres au-delà d’un barrage de parachutistes « bérets rouges ». Ils sont une trentaine de « paras », l’effectif d’une section de combat et un capitaine est à leur tête. Ils ont barré la rue et les trottoirs en installant, en travers et à « touche-pare-chocs », deux GMC et deux jeeps. A cet endroit, côté « manif », ce sont les anciens combattants qui se rassemblent pour former la tête du cortège : ils déploient leurs drapeaux et disposent leurs décorations bien apparentes et quelques uns arborent aussi les couvre-chefs chamarrés des régiments dans lesquels ils ont servis pour la défense de la Patrie.

A l’heure dite, la foule s’ébranle vers la Grande Poste ; les paras, au coude à coude font bloc en avant de leur véhicules ; le capitaine s’avance vers nous agitant les bras pour réclamer le silence : « j’ai ordre de vous empêcher de passer ! » Quelques secondes s’écoulent et c’est alors qu’un ancien combattant s’avance seul vers l’officier para ; il porte son vieil uniforme, c’est un colonel, sa poitrine est constellée de dizaines de décorations, son visage est orné d’une barbe formidable, il se déplace à l’aide de béquilles : il a été amputé d’une jambe après avoir été blessé sur quelque champ de bataille.

Le capitaine salue son ancien, porteur de la Légion d’honneur et ce dernier, campé à un mètre, répond à son salut et s’adresse à lui d’une voix forte : « C’est toi qui va m’empêcher de passer mon petit ? ». L’officier para est pétrifié, décontenancé par ces paroles et l’attitude à la fois digne et intrépide de son ancien ; au bout de quelques secondes d’une extrême tension, submergé par l’émotion, ce baroudeur éclate en sanglots : il se tourne vers ses hommes, leur fait signe de s’écarter et il se retire lui-même, l’air navré et comme terrassé par le destin : je me souviens avoir eu de la peine pour lui.

Le chemin est libre : ce premier obstacle franchi, drapeaux en tête, nous reprenons notre marche en avant. Je me trouve juste derrière les deux à trois rangées d’anciens combattants qui, sur toute la largeur de la rue, constituent le front de la manif. Arrivés au milieu du Plateau des Glières, à la hauteur de la statue de Jeanne d’Arc, nouvel arrêt ; je me faufile vers l’avant pour mieux voir ce qui se passe : une troupe espacée nous barre de nouveau le passage vers la rue d’Isly. Nous saurons après coup qu’ils appartenaient à un régiment de tirailleurs.

Ils sont en tenue de combat un peu défraîchies, ils arrivent du terrain, du bled ; ils sont disposés à quelque distance les uns des autres, ils tremblent de peur, ils nous menacent individuellement de leurs armes braquées vers nous. Leur chef, un lieutenant passe, affolé, de l’un à l’autre leur intimant : « baissez vos armes ! » mais sitôt l’officier passé, ils les pointent à nouveau dans notre direction. A leurs yeux fous, je prends conscience qu’ils peuvent déclencher le feu là, tout de suite. J’ai peur de la panique qui se lit avec évidence dans leur attitude.

Je perçois un mouvement sur la gauche : d’instinct je suis et m’engage à travers les jardins pour contourner l’immeuble de la Dépêche algérienne, qui marque avec la Grande Poste en face, le début de la rue d’Isly. Entre temps, sans que je sache comment, les soldats qui barraient la route ont dû s’écarter car revoilà les anciens combattants qui s’avancent résolument dans cette grande artère entraînant la foule derrière eux. Je me replace comme auparavant tandis que le cortège poursuit sa progression vers la place Bugeaud.

L’atmosphère est plus détendue, il fait beau, la foule présente est bonne-enfant bien que déterminée. Devant, les anciens marchent d’un bon pas et, passée la place Bugeaud, la manif a tendance à s’étirer un peu : il y a des femmes, des enfants et des gens d’un certain âge qui sont là et qui n’ont pas forcément l’habitude du pas de route imprimé par les vaillants anciens combattants ! Arrivés au bout de la rue d’Isly, à la hauteur du virage qui amorce la rue Dumont d’ Urville, la direction de la manifestation décide de marquer le pas pour permettre un regroupement plus homogène du cortège.

Puisque nous sommes à l’arrêt, je me propose de renseigner les chefs, parmi les anciens combattants, sur l’étendue de la manif et le nombre des participants : j’avise un arbre, un ficus, parmi ceux qui jalonnent le trottoir sur toute la longueur de la rue et agile et svelte, j’y grimpe sans difficultés. Cet arbre est sur le côté gauche de la rue dans le sens de notre progression. Je me redresse sur la fourche constituée par les branches maîtresses pour juger de l’efficacité de mon champ de vision : il s’étend sensiblement jusqu’au deux tiers de la rue, c'est-à-dire que je vois bien au-delà de la place Bugeaud, précédemment dépassée, mais pas tout à fait jusqu’à la Grande Poste dont je n’aperçois que le haut de la construction et les toits de style mauresque : ce sont les frondaisons des ficus qui, par effet de perspective empêchent mon regard de porter jusque là. La foule étirée le long de la rue continue d’avancer paisiblement. Je me félicite qu’il y ait tant de gens, plusieurs milliers, peut-être environ dix mille ?

Voilà un hélicoptère Sikorski qui s’approche et survole lentement d’abord le Plateau des Glières. Puis, il infléchit sa trajectoire et parvient au-dessus de la Grande Poste et là, il effectue un brusque virage à quatre vingt dix degrés comme pour aller au-dessus de la manif. Malgré la distance, je perçois nettement le claquement sec des pales de l’hélico au moment où il effectue ce virage. C’est alors qu’un film d’images terribles se déroule sous mes yeux et j’ai de la peine à en saisir toute la gravité dans l’instant : je vois en même temps les impacts de tirs d’armes automatiques lourdes, fusils-mitrailleurs ou mitrailleuses, qui fracassent à hauteur des étages supérieurs les vitres et les volets des immeubles au-delà de la place Bugeaud : je vois gicler les débris de verre et de bois et la poussière des murs criblés.

Je pense, « les salauds, ils tirent depuis le G.G.. » Je vois aussi des centaines de gens qui fuient en courant dans la rue depuis la Grande Poste : beaucoup tombent et ne se relèvent pas. Je me dis « ils font les morts car on leur tire dessus par derrière. » En quelques instants la moitié de la rue s’est vidée jusqu’à la place Bugeaud. Je dégringole alors de mon arbre-observatoire et cours vers les Anciens Combattants. Je leur dis « On nous tire dessus depuis le G.G. et depuis la Grande Poste, la moitié des gens se sont enfuis ! » A ce moment-là, je ne peux imaginer qu’il y ait des dizaines de morts et de blessés.

Les chefs se concertent rapidement et prennent la décision de poursuivre la progression vers Bab el Oued. Lorsque nous arrivons à la hauteur de la rue où, sur la droite il n’y a plus d’immeuble mais une placette triangulaire ombragée et bordée par une rambarde en fer forgé, nous voyons accourir, dans la rue en contrebas, un peloton de gendarmes mobiles en disposition de combat : ils ont dû être avisés de la fusillade et progressent courbés en avant comme si nous allions leur tirer dessus alors que nous n’avons aucune arme ! Arrivés à l’extrémité de la rue, ils reviennent vers nous, se rendent compte que nous ne présentons pas de danger pour eux et se déploient en travers de la chaussée pour nous barrer le passage. Nous voilà bloqués, immobilisés dans une espèce de corps à corps.

J’avise leur chef qui se trouve quasiment en vis-à-vis et je l’interpelle en ces termes : "Mon adjudant-chef, vous rendez-vous compte du sale boulot qu’on vous fait faire ici ? Vous voyez tous ces anciens avec leurs drapeaux et leurs décorations : c’est pour vous sauver, en France, qu’ils ont été décorés, blessés, mutilés et maintenant vous voudriez les empêcher de passer pour aller délivrer Bab el oued où sont nos parents et nos amis ? » Il commence par ne pas broncher, fait mine de rien puis se jette brusquement vers moi, bousculant les anciens, me saisit aux épaules par mon vêtement et me tire vers lui en arrière. Je me retrouve à l’horizontale sur les épaules des anciens combattants.

Heureusement ceux qui se trouvent derrière moi m’attrapent aux jambes et me ramènent promptement en arrière ! Là-dessus, nous voyons approcher le Sikorski déjà cité qui vient tournoyer au-dessus de nous et nous distinguons nettement un de ses occupants qui larguent des grenades dans notre direction : il vise mal car les premières tombent du côté des gendarmes et cela nous fait d’abord sourire car nous les voyons tout d’un coup s’emparer frénétiquement de leurs ANP (masques à gaz). Nous pensons : « On voit bien qu’ils viennent de débarquer : ils n’ont pas encore l’habitude des lacrymogènes » !

Erreur ! Lorsque les premières émanations gazeuses nous atteignent, nous ne pleurons pas, nous suffoquons : ils nous ont lancé des grenades asphyxiantes. Nous essayons de happer l’air comme des poissons sortis de l’eau.. D’instinct, en un tournemain, nous nous engageons dans les portes des immeubles les plus proches et nous grimpons les escaliers aussi vite que possible pour retrouver enfin de l’air respirable. Nous restons là une dizaine de minutes à reprendre notre souffle et nos esprits avant de redescendre dans la rue désertée.

Les anciens se concertent. Le cœur n’y est plus. Ces quelques grenades d’un genre inusité, nous ont tous affaiblis physiquement et moralement : ils décident de revenir sur nos pas sans idée de manœuvre et de nous disperser. Pendant cette marche en retraite désabusée fusent les interrogations de toutes sortes sur la sauvagerie de nos adversaires face à des civils désarmés et sur qui l’on tire ou balance des grenades asphyxiantes. Arrivés à mi-chemin entre la place Bugeaud et la Grande Poste nous découvrons les premières flaques de sang de nos malheureux compatriotes blessés ou assassinés.

Environ une demi-heure s’est écoulée depuis que j’ai assisté de loin au début de la fusillade et les ambulances ou les pompiers ont déjà évacué toutes les victimes. Mais les flaques de sang sont là, stigmates innombrables et tellement pitoyables. Nous entendons encore des rafales sporadiques de FM 24/29 : « doum, doum, doum …doum, doum, doum … » ; ça tire, me semble-t-il, depuis le G.G, mais dans quelle direction, mystère ?

Au pied de l’immeuble de la Dépêche algérienne, un lieutenant béret rouge, accompagné de son aide, para lui aussi, est là, caméra sur l’épaule : il est traumatisé, il sanglote d’émotion horrifiée, il nous dit « j’étais là, j’ai tout vu, j’ai tout filmé, ces bobines, je les préserverai, -ils- ne pourront pas les détruire ou les camoufler, faites-moi confiance ! »

Voilà un Père Blanc, habit et cape blancs, chéchia rouge et barbe de conséquence, qui s’apprête à traverser le Plateau des Glières alors que le F.M. égrène encore quelques rafales. Nous sommes trois ou quatre à le retenir mais il se dégage, s’élance résolument en nous lançant : « Vous savez avec l’aide de Dieu, je n’ai pas peur de la mort ! » Nous le regardons s’éloigner avec la crainte de voir sa silhouette hardie s’écrouler après un tir assassin mais, heureusement, rien de la sorte ne se produit et il n’y aura plus de tirs après son passage.

Nous sommes abasourdis, comme assommés, hébétés partout ce que nous venons de vivre et, au bout d’un court moment, je décide de regagner ma place de stationnement et de reprendre le chemin du retour vers le village.

 

001

Des hauteurs d'Alger descend la rue Michelet qui se prolonge par la rue Charles Péguy jusqu'à la Grande Poste - Plateau des Glières. Le numéro 10 indique la Grande Poste. Départ de la rue d'Isly, puis rue Dumont d' Urville, rue Bab Azoun en direction de la rue Bab el Oued

 

002

 

004

 Le point jaune sur la carte ci-dessus, marque "Saint Ferdinand", l'endroit d'où est parti Jean-Claude DOMENECH.

 

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VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

4 - GARE FLORENSAC Paul : les noms des victimes sont placardés dans la ville 

Ce lundi 26 mars, au moment d’interrompre mon travail à E.G.A pour aller déjeuner, un camarade de bureau me questionne :

« Vas-tu à la manifestation prévue à 15 heures à la Grande Poste » ?

« De quoi s’agit-i ? »

« Il est prévu qu’un cortège parte de la Grande Poste  à 15 heures pour aller vers Bab el Oued, par solidarité avec les habitants de ce quartier, bloqués depuis plusieurs jours par les forces de l’ordre. Tout doit se dérouler dans le calme. Cette manifestation doit être digne et pacifique. Les Anciens combattants ouvriront le cortège, drapeaux en tête ».

« D’accord, j’y serai ».

A 14 heures 30, je me trouve dans la rue Michelet. Une foule nombreuse est déjà là. Entre les Facs et le Plateau des Glières, des G.M.C. de l’Infanterie de marine canalisent les participants et les « Marsouins » nous laissent passer, détendus et souriants. Une jeune fille monte sur le marche pied d’un véhicule et fait la bise à un jeune militaire. L’ambiance est bonne enfant. Il fait un temps magnifique et les jeunes algéroises ont déjà revêtu leur robe de printemps.

Cahin-caha, en scandant les cinq syllabes « AL-GÉ-RIE—FRAN-ÇAISE. », nous nous trouvons devant la Grande Poste. Là, un bouchon se forme. Je me rends compte qu’il est dû à un barrage de tirailleurs qui bloque la rue d’Isly et l’accès à la rampe Bugeaud. Sous l’horloge, je me trouve en face d’une dizaine de militaires musulmans, en position « de tireurs à genoux », leur arme dirigée vers la foule. Je m’approche du Lieutenant « deux galons » qui se trouve près d’eux. Je m’adresse à lui, calmement : « Mon lieutenant savez-vous que vous prenez un gros risque en plaçant vos tirailleurs dans cette position ? Ne risquent-ils pas de perdre leur sang-froid devant cette foule, certes pacifique mais nombreuse et bruyante ? ». La voix étranglée par l’émotion, il touche du doigt le ruban de la Croix de la Valeur militaire que je porte à la boutonnière et me dit : « Je vois que vous avez connu le djebel, vous aussi. Je pense comme vous mais j’ai reçu des ordres, je vous en supplie, Monsieur, partez vite d’ici. »

Je rencontre à cet instant une jeune étudiante en Philosophie que je connais et je lui dis : « Ne restez pas là, l’atmosphère est tendu, il va y avoir de la casse ». La jeune fille disparaît. Nous sommes arrivés à la hauteur de la brasserie Novelty,  (Place Bugeaud S.G.) quand la première rafale déchire l’air. Je suis stupéfait, ce n’est pas possible. C’est un bidasse qui a dû laisser échapper son arme ! «  Quelques secondes plus tard c’est une énorme fusillade qui commence.

Mes dix huit mois de service militaire m’ont appris à reconnaître le bruit des armes. Il y a du fusil, du P.M., du F.M. Des balles sifflent au-dessus de nos têtes. Obéissant au réflexe du parfait combattant, je me précipite au sol. J’aperçois un Ancien Combattant dont la hampe du drapeau qu’il tient vient d’être coupée net par une rafale. L’homme crie : « Un balai, un manche à balai, pour mon drapeau ! ». D’une fenêtre d’un des immeubles de la rue d’Isly, on lui lance un mauvais morceau de bois rond qu’il fixe avec sa propre ceinture.

La fusillade fait rage. A l’occasion de tous les accrochages  auxquels il m’a été donné de participer, je n’ai jamais entendu une densité de feu aussi forte. Je prends la petite rue qui se trouve juste après le Novelty pour rejoindre la rampe Bugeaud. J’emprunte des escaliers couverts qui permettent d’atteindre la rue Colonna d’Ornano. Er là, je me trouve devant trois tirailleurs qui remontent les escaliers en hurlant : « Recule, M’sieur ! Fais demi-tour, va-t-en ! ». Je rebrousse mon chemin à reculons, continuant à leur faire face, tant je suis persuadé que leurs MAT 49 vont se mettre à cracher. Rien ne se passe et je me retrouve Rampe Bugeaud. De là, je regagne le boulevard Front de mer (le boulevard Carnot S.G.) et ce n’est que deux heures après que je me retrouve chez moi, rue Barnave. Là, l’affolement règne. On n’a pas de nouvelles de mon père qui s’est joint au cortège avec les Anciens Combattants. Mémé Depaule téléphone. Elle a entendu la fusillade de chez elle et demande si je suis rentré.

Nous habitons près de l’hôpital Mustapha et les sirènes des ambulances hurlent sans arrêt. Enfin, un coup de fil de ma mère : mon père a rejoint la rue Richelieu. Il est sain et sauf.
Je descends à l’hôpital où une chapelle ardente a été sommairement installée. Le spectacle est insoutenable. Des corps gisent sur des tables de marbre, recouverts d’un simple drap. Des familles arrivent, éplorées, cherchant l’être cher, soulevant chaque drap pour essayer de retrouver celui ou celle qui n’est pas rentré. Une fois, deux fois, trois fois. Rien. Quand ils reconnaissent enfin le visage du leur, ils se jettent sur le corps, en pleurs en posant la même question pourquoi ?

Des affichettes portant le nom des victimes sont placardées un peu partout dans la ville : contre les murs, sur les arbres, sur la porte d’entrée de l’hôpital. Je m’approche. Je découvre avec stupeur le nom de Jeannine Mesquida, l’épouse d’un de mes anciens collègues de l’école Lutaud. Ils étaient venus avec leurs quatre petites filles prendre l’apéritif à la maison, l’avant-veille. Je pénètre à nouveau dans la salle où sont allongées les victimes. Au bout d’un quart d’heure je découvre enfin le corps de notre amie, le visage extrêmement calme, un sourire figé à jamais sur ses lèvres légèrement crispées. Je suis bouleversé, je rentre chez moi en sanglotant.C’est fini. Tout est consommé.

Des larmes de sang viennent de sceller à jamais la déchirure entre la France et l’Algérie, la France qui vient d’assassiner froidement 80 de ses enfants qui ne faisaient que crier leur attachement à la patrie. Le ressort de l’Algérie française s’est cassé net cet après-midi. Les Français de ce pays viennent d’être condamnés à mort et exécutés pour avoir voulu rester français.Réflexion : Comment voulez-vous, après cette funeste journée du 26 mars 1962, que nous acceptions que la date du19 mars soit considérée comme la fin de la guerre d’Algérie.

Paul GARÉ-FLORENSAC

Témoignage paru dans « Trait d’Union » ?

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Il court jusqu’au Novelty place Bugeaud.
Il prend les escaliers juste après et descend jusqu'à la rue Colonel Colonna d'Ornano (en bleu).
Il rebrousse chemin vers le boulevard Bugeaud et finit par descendre sur le boulevard Carnot (en bleu)
(front de mer) pour remonter jusque chez lui rue Barnave

 

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Il remonte jusque chez lui, rue Barnave - en rose sur le plan
proche de l'hôpital Mustapha n° 8 sur le plan - coloré en rose

 

Des affichettes portant le nom des Victimes sont placardées partout dans la Ville:
Contre les murs, sur les Arbres, sur la porte d'entrée de l'Hôpital. Je m'approche. Je découvre avec stupeur le nom de Jeannine Mesquida.
(Tous mes Remerciements à Françoise MESQUIDA - Simone GAUTIER)


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islynovelty 

Le Novelty face à la statue du général Bugeaud

 


VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants  

5 - PEYRON Francis – "Le choix de cette troupe pour assurer le service d’ordre ne pouvait que déboucher sur un  dérapage"

Le jour où j’ai assisté à la fusillade du 26 mars 1962

Le 26 mars 1962, une manifestation pacifique est organisée afin de protester contre le blocus du quartier de Bab el Oued par les forces de l’ordre françaises.

En retard, j’arrive sur la place de la grande poste par le boulevard Bugeaud quelques instants après le début de la fusillade. C’est la queue de la manifestation mais la fusillade continue. Mon ami, Hervé Gouy, se retrouve dans une vitrine cassée.

Les forces de l’ordre sont à dix ou vingt mètres de moi. Je vois les soldats vider leurs chargeurs sur les manifestants puis recharger leurs armes et tirer à nouveau. J’entends le jeune chef de la troupe crier « halte au feu », avec deux autres personnes qui y laisseront leur vie. Je me réfugie dans une encoignure pour ne pas être atteint. Les tirs me paraissent durer une éternité. Dès qu’ils se calment les secours arrivent. Je récupère deux personnes âgées complètement égarées et les ramène chez elles.

Je suis profondément marqué par cet évènement. J’y ai perdu des amis. Nous avons estimé alors que le but était de casser définitivement les pieds noirs quelques mois avant l’indépendance. Le choix de cette troupe pour assurer le service d’ordre à Alger ne pouvait que déboucher sur un dérapage. Il a provoqué la mort d’une centaine de personnes.

Francis PEYRON – Retraité – Cadre commercial dans l’automobile.

Lu sur «CIVIS Memoria »

http://www.civismemoria.fr

C’est une bibliothèque de souvenirs. Chaque souvenir est attaché à l’évènement qu’il relate.

 

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Francis Per on arrive à la Grande poste en remontant le boulevard Bugeaud

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VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

6 - RISGALLA Jean-Pierre - sur le visage des soldats une terreur manifeste

Libéré depuis peu de mes obligations militaires, j’avais assisté depuis la terrasse de l’appartement de mes parents, rue Bab-Azoun, aux combats de Bâb el Oued, d’où nous parvenaient distinctement les rafales de mitrailleuses, les explosions des grenades et autres coups de feu. J’avais vu les avions T6 de l’armée de l’air plonger sur le quartier et j’avais imaginé avec angoisse les drames qui devaient s’y dérouler …

Le matin du 26 mars, j’étais monté avec l’un de mes camarades vers la rue Michelet, où nous savions retrouver d’autres camarades pour avoir des nouvelles du quartier qui était bouclé et complètement isolé du monde extérieur. A la hauteur des Galeries de France, rue d’Isly, des tracts étaient punaisés sur le tronc des arbres. Signés « OAS »ils invitaient la population à se rendre, - sans armes -, à 15 heures sur le plateau des Glières pour aller en cortège jusqu’à Bab el Oued, porter le soutien de toute la ville européenne aux habitants assiégés.

Le tract précisait, par ailleurs, que seuls les drapeaux tricolores devaient être amenés. Rentré à la maison j’en fis part à mes parents et il fut décidé que maman m’accompagnerait à la manifestation, papa, tétraplégique, ne pouvant faire le déplacement.

A 14 heures, nous quittâmes donc notre immeuble du 8 rue Bab Azoun pour rejoindre la Grande Poste d’Alger.

Première surprise : l’extrémité de la rue était complètement obstruée par un barrage de chars « Shaffee » de la gendarmerie mobile, chenilles contre chenilles, canons tournés vers le square Bresson, des chars étaient même embossés sous les arcades.

Devant eux des réseaux de fil de fer barbelés. Mais on nous laissa passer sans aucun contrôle. Par contre des personnes venant du square et voulant entrer dans la rue Bâb Azoun étaient refoulées sans explications. Nous poursuivîmes donc notre marche sans explication, laissant sur notre gauche une unité de CRS au repos sous les arbres. Arrivés à la Grande Poste une foule déjà considérable nous empêcha d’aller plus loin que le début de la rue d’Isly et nous attendîmes devant l’immeuble du Crédit foncier que le cortège se forme.

Deuxième surprise : il y avait là, au bas de l’avenue Pasteur, une vingtaine de soldats en tenue de combat et casqués (casques lourds). Je remarquais que tous étaient musulmans et que les P.M. de certains étaient positionnés « à 45 ° ». Pour ceux qui connaissent le pistolet mitrailleur MAT 49, cette position signifie qu’ils sont armés et qu’il suffit de rabattre le chargeur verticalement pour déclencher le tir.

Je n’en dis rien pour ne pas effrayer ma mère et les deux camarades qui m’avaient rejoint et qui avaient remarqué, eux, que les toits des immeubles, qui nous entouraient, étaient occupés par des gendarmes mobiles. La tête du cortège s’ébranla alors, et les tirailleurs ne firent rien pour l’en empêcher. Mais les soldats portaient sur leur visage les marques d’une terreur manifeste.

Nous marchions sur le trottoir de gauche en direction de la place Bugeaud, quelques centaines de mètres plus loin. Au passage, j’avais remarqué un fusil-mitrailleur AA52, bande de cartouches engagée, entre les mains d’un soldat musulman qui nous fixait les yeux hagards …un hélicoptère survolait la rue d’Isly à hauteur des toits, en position fixe au dessus du carrefour Isly/Pasteur.

Alors que nous atteignions la place Bugeaud, (1) nous entendîmes la première rafale de fusil mitrailleur qui provenait de ce carrefour, derrière nous. Quelqu’un cria que c’était le bruit des pales de l’hélicoptère, mais reconnaissant bien le bruit caractéristique de l’AA52, je criais à mon tour à l’attention des gens qui étaient autour de moi : « couchez-vous ! On nous tire dessus ! »

A ce moment-là, d’autres tirs furent déclenchés de l’immeuble de la Xème région militaire qui se trouvait à gauche de la Place, derrière la statue du Maréchal Bugeaud. Cet immeuble était bien entendu occupé par des militaires qui n’avaient aucune raison d’ouvrir le feu, la foule n’ayant aucune attention pour eux. Mais des vitrines de magasins de vêtements s’écroulèrent sous l’impact des balles, et il y eut des blessés à proximité du Milk Bar et de la Brasserie Novelty, de l’autre côté de la place. Par ailleurs, les bruits d’une fusillade nourrie, nous parvenait toujours du carrefour Isly/Pasteur, avec quelques temps de pause …

Enfin un grand silence se fit et des cris commencèrent à nous parvenir.

Je demandais à maman de retourner auprès de papa pour le rassurer (il devait avoir les informations à la radio) et avec mes camarades nous retournâmes vers la Poste. Le spectacle qui nous attendaient était atroce … Des corps partout, d’énormes flaques de sang, de pitoyables débris d’une foule massacrée, chaussures, sacs à main, drapeaux … Un camion bâché des pompiers était arrivé et nous y chargeâmes des corps sans vie …

RISGALLA Jean-Pierre
5 avenue des Cévennes
30400 - Villeneuve les Avignon.

(1) Place Bugeaud - en raison de la statue du général Bugeaud qui se trouvait au milieu de la place d'Isly - Voir sur le plan

 Jusuqà BEO copie1

Trajet de Jean-Pierre Risgalla depuis le 8 rue Bab Azoun jusqu'à l'avenue Pasteur et retour jusqu'à la place Bugeaud

 

 islymap22

Place Bugeaud (place d'Isly sur le plan) et la X° Région d'où sont partis les tirs
Plan source association ES'MMa

 

 


VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

7 - SUCCOJA Michèle :Tout d'un coup nous avons entendu une détonation
 

Bonsoir Madame

Vous me demandez un témoignage. Cela fait 54 ans, les souvenirs s'estompent avec l'âge, mais il y a des choses que l'on n'oublie pas.

Je vais vous raconter ces deux épisodes de ma vie de Pied Noir parce qu’ils m’ont vraiment marquée, et parce que ce sont les seuls dont je me souvienne avec précision, le 26 mars et le 5 juillet 1962.

Quelques fois j’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs vies car j’ai du mal à croire que nous ayons pu vivre tout ça.

Il y a une chose que les Français ne pourront jamais nous reprocher c’est d’avoir raté notre intégration.

Je vous souhaite une bonne fin de soirée,

Bien cordialement

Michèle Succoja
50770 Pirou-plage

 Tout d'un coup nous avons entendu une détonation

Ce 26 mars 1962, je me souviens d’avoir rejoint des copains rue d'Isly (ou ma tante habitait).Nous étions à environ 500 mètres de la grande Poste quand nous nous sommes joints à la foule qui criait "Algérie française", qui chantait la "Marseillaise", et "le chant des Africains".

Cette foule n'était pas agressive, mais sûrement désespérée.

Tout d'un coup nous avons entendu une détonation, tout le monde s'est figé quelques secondes pour savoir d'ou venait ce bruit, puis d'un coup, un feu nourri qui a déclenché une panique générale.

Certains se sont couchés au sol, d'autres se sont précipités dans les magasins et les cafés, d'autres ont pris la fuite dans tous les sens. Puis on a entendu au loin quelqu'un qui hurlait "halte au feu.

J'ai vu des femmes entrer dans un magasin de vêtements pour se cacher derrière les portiques où des robes étaient suspendues.  Un homme, a pénétré dans la boutique et a tiré, à plusieurs reprises, dans le tas.

C’était ahurissant.

Courageuse, mais pas téméraire, je me suis allongée le long du caniveau et je suis restée là je ne sais pas combien de temps.

Lorsque j'ai relevé la tête, j'ai vu des corps sans vie et du sang partout. Des gens hurlaient, hagards, j'ai pris mes jambes à mon cou, et je me suis précipitée dans l'immeuble où habitait ma tante. Là il y avait des personnes d'origine française et musulmane recroquevillées au pied de l'ascenseur, n'osant pas bouger.

Dehors, je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite, je suis rentrée chez ma tante et mon oncle qui m’ont engueulée, parce que j'allais à toutes les manifestations.

Je garde un terrible souvenir de ce jour, pourtant nous étions habitués à vivre dans l'insécurité, à voir des gens tués par balle à bout portant, mais là c'était l'incompréhension qui prédominait.

Tout cela pourquoi ?

Lorsque l'on voit ce qui se passe en France aujourd'hui.

29 mai 2016
Michèle Succoja
50770 Pirou-plage


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ici dans le rond bleu indique la rue Pélissier

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Plan: source association ES'MMA

 

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La rue d'Isly entre la rue Pélissier et la rue Mac Mahon

765 0012

Pirou Plage dans la Manche

 Mt St Michel grande marée juin 20162

Le Mont Saint Michel

Voir un autre témoignage de Michèle SUCCOJA : ICI

 

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