7.6 - Intersection avenue Pasteur – rue d’Isly

VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

5 - PRATZ Christian : les gendarmes mobiles nous ont coupé toutes les issues de retraite

 Il y a 52 ans, rue d’Isly à Alger …

Ayant lu dans un récent article la relation du massacre de la rue d’Isly le 26 mars 1962 à Alger, je voudrais vous apporter mon témoignage.

Lorsque nous nous sommes rassemblés au carrefour de l’Agha, les gendarmes mobiles nous ont coupé toutes les issues de retraite et nous ont poussés en direction de la rue d’Isly. Ayant dépassé la Grande Poste, nous nous sommes engagés dans cette rue.

En passant devant une pharmacie située sur le trottoir de gauche juste avant l’intersection de l’avenue Pasteur avec la rue d’Isly, j’ai vu un tirailleur FSNA (Français de souche nord-africaine) armé d’un FM 24/29 qu’il tenait horizontalement devant lui et qui transpirait énormément. Je rappelle que nous étions le 26 mars et il ne faisait pas particulièrement chaud. Avec mon épouse nous nous sommes ensuite demandé s’il n’avait pas été drogué. En riant, j’ai relevé le canon du FM et je lui ai dit : « Tu sais c’est dangereux ces trucs-là, ça part tout seul » et nous avons continué. A aucun moment, je n’ai entendu le coup de feu dont on a parlé mais une fois arrivés à l’intersection de l’avenue Pasteur avec la rue d’Isly, ça s’est mis à tirer de tous côtés. Je me suis jeté au sol, j’ai plaqué mon épouse au sol – et là, je ne remercierai jamais assez l’armée de m’avoir fait acquérir des réflexes de survie – nous avons rampé sur la chaussée en « épousant le terrain », rampé en montant sur le trottoir en avisant une porte cochère.

Dans l’entrée, entourée de plusieurs personnes, une femme agonisait. Nous avons grimpé en direction des étages supérieurs (le 5ème ou 6ème étage, je ne m’en souviens plus), où une dame charitable avait ouvert la porte de son appartement. Nous étions plus d’une dizaine dans la pièce. Quand les tirs ont cessé, nous sommes redescendus et avons emprunté l’avenue Pasteur pour regagner notre domicile rue Daguerre. Le sang coulait à flots dans les caniveaux de l’avenue Pasteurs. Apercevant deux soldats FSE (Français de souche européenne), je leur ai reproché d’avoir tiré sur des civils sans défense. L’un d’eux m’a dit en pleurant : « Monsieur, sentez mon fusil, je n’ai pas tiré ». En effet, il n’avait pas tiré.

Le lendemain matin, nous sommes retournés voir la dame qui nous avait recueillis pour la remercier. Sur les vitrines du magasin qui se trouvait au pied de l’immeuble, les impacts des balles se situaient au niveau de la ceinture d’un adulte. Et moi, qui venais de faire 28 mois de service militaire dont 22 mois dans l’Aurès chez les tirailleurs algériens du 7ème R.T., sans aucune blessure, j’ai failli me faire tuer par des balles françaises … Si ce n’était pas une embuscade, qu’est-ce que c’était ? Le responsable de ce massacre était-il le délégué général, le premier ministre, ou plus haut ? Mystère de l’histoire.

Christian PRATZ  

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Plan Francine DESSAIGNE
Souligné en rouge, la Pharmacie du Soleil
Avenue Pasteur qui débouche dans la rue d'Isly

 

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En rose le flux des manifestants.
La nasse : Bd LAFERRIERE, Rue d'ISLY, Avenue PASTEUR, Rue Chanzy
En rouge l'indication des sous-secteurs militaires
"Si ce n'était pas une embuscade, qu'est ce que c'était ?"

 

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En bleu la rue d’Isly et le boulevard Pasteur
En rouge rue Daguerre

 

 

 

 

 

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