7.3 - Plateau des Glières - Grande Poste

VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants

2 - ALCAYDE Gilbert : Pourquoi ? 

Alger - 26 mars 1962 – rue d’Isly

POURQUOI ?

Je faisais partie d’un des petits groupes de civils qui, vers 13 heures 30, descendaient la rue Michelet en direction de la place de la Grande Poste. Des troupes en armes stationnaient à l’entrée du tunnel des Facultés, du côté du boulevard Saint Saëns.

La mise en place d’une nasse

Devant l’université, occupée par l’armée, un groupe de militaires sous les ordres d’un commandant, barrait la rue à hauteur du grand portail menant à la bibliothèque des facultés : des fils de fer barbelés ne laissaient qu’un passage étroit le long du mur opposé. Une jeune femme qui remontait la rue se fit refouler par l’officier qui disait avoir reçu des ordres pour interdire la circulation dans ce sens ; l’intéressée protesta, affirmant qu’elle était sortie pour se procurer du lait (elle en avait deux boîtes dans son filet) et qu’elle rentrait chez elle où elle avait laissé pour quelques instants son bébé tout seul. Après une vive discussion entre l’officier et les civils présents, elle fut autorisée à franchir le barrage.

Un peu plus bas, devant le « Coq Hardi », un autre groupe de soldats commandé par un capitaine de l’infanterie coloniale stationnait le long du mur de la brasserie ; je m’entretins un moment avec celui-ci qui me fit part de son inquiétude en ajoutant : « On envoie les gens dans une véritable nasse, je crains le pire ».

Sur la place de la poste, la foule était très dense et il n’était guère possible d’avancer. Ce n’est qu’après l’annonce de l’ouverture du barrage mis en place par l’armée, à l’entrée de la rue d’Isly que la foule put progressivement s’écouler en direction du square Bresson. Le plus gros du cortège étant passé, je m’apprêtais à m’engager dans la rue d’Isly, lorsque des hommes de troupe, tous musulmans, reformèrent le barrage. Ils étaient visiblement très tendus et leurs visages étaient blêmes ; les civils toujours calmes tentaient de les convaincre de les laisser circuler.

Soudain, les militaires abaissèrent transversalement leurs fusils pour barrer totalement le passage. Quelques discussions, dénuées de toute agressivité eurent lieu puis, sans motif apparent, l’un des tirailleurs dont je n’étais séparé que par deux ou trois mètres, redressa son arme et fit feu en l’air. Dans les secondes qui suivirent d’autres armes individuelles tirèrent, puis les armes collectives (fusils mitrailleurs vraisemblablement ou mitrailleuses légères) entrèrent en action. Je n’ai pas vu ces dernières mais, compte tenu de ma position, elles ne pouvaient se trouver qu’à l’angle de l’avenue Pasteur et de la rue d’Isly et elles tiraient en direction de la Poste et du square Viviani.

Gilbert Alcayde

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