2.5 - FERRER-CERDAN Jean-Pierre : les façades des immeubles étaient criblées de balles

VI - Les témoignages - Bâb el Oued - Les assiégés

A l'ouest, le quartier de Bâb el Oued était depuis plusieurs jours, encerclé par l'armée.
le 23 mars, de la piscine du R.U.A. , où j'allais régulièrement, puisque j'étais inscrit à la section Hand Ball, j'aperçus des petits avions de chasse de l'armée française  tournoyer au-dessus de la Casbah et plonger en piqué sur Bâb el Oued.

De loin, nous entendions les explosions et apercevions des volutes de fumée s'élever dans le ciel : c'était la cité des Eucalyptus qui était visée. Et touchée par les T6. C'était le général Ailleret qui dirigeait l'assaut, après les consignes de De Gaulle  Il ne faut pas lésiner, rien ménager.Des barbelés avaient été déroulés à chaque issue du quartier. Tanks et half-tracks dissuadaient tout passage. Nul ne pouvait y entrer ou sortir. Pas même les ambulances. Bâb el oued, quartier populaire et à majorité communiste - qu'on le veuille ou non - était une poche de résistance Algérie française et des actions violentes s'y étaient déroulées. Les tanks de cette armée qui était venue nous défendre, avaient descendu les voies principales du quartier - les avenues de la Bouzaréah et Durando - et avaient écrasé tout ce qui faisait obstacle à leur passage. Les voitures et les motos stationnées le long des trottoirs avaient été laminées et les façades des immeubles criblées de balles.

Toute la famille de ma mère vivait à Bâb el Oued, où je suis né, et des cousins germains de mon père y avaient aussi une boulangerie, c'est à dire que la moitié de mes oncles, tantes et cousins était là. L'approvisionnement alimentaire et en médicaments ne se faisait plus. Les boulangeries ne cuisaient plus leurs pains, les boucheries ne débitaient plus leur viande et dans les cafés, même l'anisette et les tramousses commençaient à se faire rares ... Déjà les habitants d'autres quartiers venaient apporter dans des couffins, du lait ou d'autres victuailles et tentaient de les faire passer entre les barbelés aux mains qui se tendaient de l'autre côté de la barricade ou les accrochaient aux cordes lancées depuis les balcons des immeubles proches. Mon père avait apporté du pain dans sa Simca P 60, un break noir et blanc, acheté après la Juva, qu'il utilisait pour faire ses livraisons.

Le mot d'ordre de nous rendre en cortège pacifique à Bâb el Oued  avait été diffusé à la radio clandestine et les tracts distribués ces derniers jours. On nous enjoignait à nous y rendre nombreux afin de porter une assistance morale à nos familles ou amis interdits de sortie. Nous vivions depuis plusieurs années sous un couvre-feu qui n'empêchait ni explosions ni mitraillades chaque nuit; nous devions nous y rendre le 26 mars après-midi.

Jean-Pierre Ferrer-Cerdan - RECUEIL

Le bouclage de Bab el Oued

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Photo du quartier où se situe la boulangerie, à l'intersection de la rue de Mulhouse,
de la Rue Danton
et des escaliers Cornuz qui montent au Telemly

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Mon père, ma mère et ma soeur

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Mon père sortant une bûche de Noël - 1960

04

Départ du cortège en rouge au N°1

05

A la place d'Isly la croix rouge indique l'endroit où nous nous sommes réfugiés,
en vert l'endroit où les tirs ont commencés à hauteur de la rue Chanzy

06

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