8.1 - NON au 19 mars 1962 - Témoignages

X - Les actions - Vérité sur le 19 mars 1962.  

3 - Michel Sellier ancien combattant au 1er RIMA - "Témoignage d'un appelé présent ce jour-là"

J'entends dire beaucoup de choses à propos du 19 mars 1962.

Mais beaucoup d'appelés du contingent, qui en parlent aujourd'hui, n'étaient plus en Algérie à cette date car l'immense majorité de ceux qui ont effectué leur service miliaire là-bas l'ont fait entre 1956 et 1961. Ils n'ont eu connaissance de la fin tragique de la guerre d'Algérie qu'au travers des journaux et de la radio de métropole.

Je fais partie des dernières classes (1961) qui ont réellement vécu cette tragédie. AVANT, LE JOUR MEME ET BIEN APRES.

Je suis arrivé en juillet 1961 à Palestro où l'Armée française, appelés, harkis et engagés, achevait la reprise en main de tout le secteur et se rendait maîtresse du terrain  dans les moindres recoins de cette région qui avait été l'une des plus dures. Vainqueurs sur le terrain mais aussi parmi la population autochtone et néanmoins française qui nous témoignait sa reconnaissance de la sécurité retrouvée et de notre immense dévouement sur le plan de la santé et de l'éducation dans le moindre douar. Oui j'ai connu fin 1961 des traversées des gorges de Palestro presque touristiques et je me souviens de ce Noël presque enchanteur, si ce n'était le cruel éloignement de nos familles, autour du colonel au camp CCS. Puis ce fut le début du drame. On nous annonça qu'il fallait quitter cette région que nous avions bel et bien pacifiée pour monter sur Alger, à Aïn Taya exactement afin de contrer toute opposition des Français de là-bas à la conclusion prochaine des accords d'Evian avec le FLN voulus par De Gaulle pour en finir avec l'Algérie.

Je ne suis reparti que fin novembre 1962 et je peux témoigner que le 19 mars, date du cessez-le-feu prévu par ces accords ne vit malheureusement pas la fin effective des combats et fut, en fait, ressentie par beaucoup de Français, et à juste titre, comme une amère défaite. Bon nombre de mes camarades et moi-même, ne comprenions pas cet abandon incompréhensible du gouvernement de De Gaulle, étant donné que l'Armée maîtrisait alors la situation presque partout sur le terrain, tant à Alger que dans le bled. Toutefois l'annonce du cessez-le-feu nous remplît d'un lâche soulagement : pour nous autres appelés, il signifiait que nous allions renter dans nos foyers, retrouver nos chères familles, la "quille" quoi!

Mais nous allions vite déchanter. Notre maintien sous les drapeaux se poursuivait bel et bien étant donné la gravité de la situation dès le lendemain du 19 mars. C'était loin d'être terminé : des dizaines de milliers de Français d'Algérie allaient encore tomber. Ainsi fut  atrocement égorgé, émasculé et mutilé, mon camarade kabyle, le sergent A. qui nous avait escortés dans le train nous conduisant d'Alger à Palestro le 14 juillet 1961. Il y a eu plus de morts chez les Français entre le 19 mars et le 1er juillet 1962 que pendant toute la guerre d'Algérie. D'ailleurs la loi n° 74-1044 du 9.12.1974, qui est à l'origine de ma carte d'Ancien Combattant tient compte de cet état de poursuite des combats jusqu'au 1er juillet 1962.

Combien de violations des accords de cessez-le-feu par le FLN !
...
Et puis, ces jours et ces nuits interminables de bouclages de quartiers dans Alger assurés par mon unité  jusqu'en juin 1962 avec l'horrible sensation de ne plus combattre un ennemi mais nos propres frères , les Français d'Algérie dont beaucoup ne pouvaient se résoudre à accepter cet abandon incompréhensible de la Mère Patrie et étaient entrés en résistance pour essayer désespérément de sauver ce qui étai un coin de France depuis 130 ans. Depuis plus longtemps que Nice et la Savoie qui n'intégrèrent définitivement la France qu'en 1960
...
Le 19 mars fut en fait une victoire inespérée pour le FLN qui voyait son écrasante défaite sur le terrain se transformer en victoire morale aux yeux du monde par cette proclamation du cessez-le-feu qui leur était apportée sur un plateau par De Gaulle.

Ressentie comme une honteuse reculade ...
Ressentie comme une trahison ...
Ressentie comme une cuisante défaite pour la France

C'est comme si on commémorait l'armistice de juin 1940 ...

Michel SELLIER
Ancien combattant au 1er RIMA
Appelé du contingent - Classe 6I -IA

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