1.5 - Internements, massacres et tortures dans les camps FLN : Témoignages

VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le 26 mars… Le 5 juillet… les massacres continuent

1 – Témoignage rapporté par Gilles Bonnier : Récit d’un sergent-chef

2 – Témoignages rapportés par Abd el Azziz Meliani – extrait de son livre : La France honteuse – Le drame des Harkis

1 – Témoignage rapporté par Gilles Bonnier : Récit d’un sergent-chef

Témoignages de massacres
Source : Gilles BONNIER
24 mai 2005
Paris

 

Récit recueilli le 10 août 1962.

"Le régiment rentre en France dans un mois environ. Comme nous ne faisons rien, même pas protéger les gens menacés, cela vaut mieux pour nous.

"Je commandais en second un commando de chasse dans l'Algérois. Mes quarante musulmans ont été pris par les rebelles, dans les premiers jours de juillet. Ils n'ont pas été tués tout de suite. Je crois savoir que certains sont encore vivants.

"Ils sont au camp de Taourtatsine, dans l'Atlas blidéen. A notre connaissance c'est le camp le plus important de la région. Il y a peut-être plusieurs centaines de prisonniers. Parmi eux, des Européens, femmes et enfants. Les rebelles le torturent peu à peu : on coupe un bras, le nez, on fait des plaies qu'on sale ...etc.

On s'en sert aussi, comme ils disent, de "filles de joie", notamment les Européens. Quand leur état est trip lamentable et qu'ils ne peuvent plus servir à rien, on les tue.

"Il n'est pas question d'émettre l'idée d'aller les délivrer, ce qui serait pourtant bien simple. Les cadres sont dégoûtés d'eux-mêmes et de ce qu'on les oblige à accepter.

"Pour vous montrer où on en est, la willaya 4, ou au moins certains de ses secteurs, dont celui de mon régiment," interdisent" aux militaires français de porter les décorations acquises en Algérie, c'est-à-dire les citations sur la croix de la valeur militaire et la barrette "Algérie" sur la commémorative. De très nombreux camarades et officiers obéissent à cet ordre.

"Quand je dis qu'on ne fait rien, c'est si vrai qu'on intervient même plus aux commissions mixtes du cessez-le-feu pour obtenir des libérations de Français, Européens ou Musulmans que nous connaissons et dont nous savons où ils sont prisonniers. Si, dans une unité, nous demandons à agir, nous sommes sanctionnés ou mutés. De même quand il y a eu, en juillet, à Blida, à Zéralda et d'autres points que je n'ai pu contrôler, des manifestations de civils musulmans avec drapeau français et criant "Algérie française", l'ALN a tiré dans le tas et nous n'avons pas bougé."

LES CAMPS

Témoignage d'un sous-officier (en activité) concernant l'arrondissement de Bordj Bou Arreridj (Sétif), le 16 août 1962.
La commune de Teffreg, dont le maire était le député, Benhalla Khellil, est actuellement sous la férule du nommé Ghettari-Mohand-Akli, chef du Nidam.
La récolte a été saisie à 75%, 20% sont pris sur les mandats. Tous les hommes travaillent gratuitement sur les pistes. Ghettari-Mohand-Akli a fait trois ans de prison à Paris et a été libéré en mars 1962.
Le nommé Sebane Saddek, mokhadem de la SAS d'Ouled Rached, commune de Teffreg, arrondissement de Bordj-Bou-Arreridj, ex-responsable rebelle rallié en août 1956, a été brûlé vif.
Le nommé Sebane Tayeb, harki, a été littéralement coupé en morceaux.
Le sergent harki Lagha Salah a été massacré à coup de pioche.
Le nommé Naït Belkacem, interprète de la SAS de Ouled-Rached, adjudant de l'armée française en retraite, médaillé militaire, après avoir été lardé de coups de couteaux, laissé trois jours dans les WC, traîné au bout d'une corde dans le village, est mort le 10 août 1962.
Les anciens harkis du secteur ont été massacrés dans chaque village, empilés dans des GMC et assassinés au lieu-dit "maison-cantonnière" où se trouvait auparavant le sous-quartier.
Tous les hommes de la harka de Beni-Lalem, région de Zemmorah, arrondissement de Bordj-Bou-Arreridj onr été massacrés. L'un d'eux, torturé, a crié aux gens de l'ALN : "Jusqu'à la dernière goutte de sang, nous sommes français, vous pouvez nous tuer, cela ne fera pas changer notre cœur." Cette harka, célèbre dans la région pour son courage et son efficacité, était commandée par la riche et puissante famille des Boudache.

CAMP DE BLONDEL

Dans ce village entre Bordj-Bou-Arreridj et Medjana, il existe un camp de prisonniers. Bouaza, maire des Ouled-Dahmane, en particulier, y a été pendu, nu, par les pieds, passé au miel et livré aux abeilles. Dans ce même camp, le député Benhalla Khellil a été détenu. Arab Ali, maire de Sidi Brahim et conseiller général du département de Sétif, a été emmené à Akbou.

CAMP DE MANSOURAH (près de Bordj-Bou-Arreridj)
Le maire de Harraza, Benchabane Smaïl, chef du commando, a eu les yeux arrachés.
Les harkis de Harraza ont été massacrés.
Les Harkis de Selaina, Ouled Taier, Ouled Yacoub, Hamama, ainsi que ceux qui n'ont pas encore été massacrés, sont parqués dans ce camp.

Camp de Melouza
Dans ce camp, actuel PC de la Naya 321, sont parqués deux cents harkis et Moghaznis de Dahmane-Daala et Beni-Ilmane. le maire de Kerrabeha, Aribi Ali, a été torturé puis égorgé. La famille Bougherra avait fourni à la France quinze harkis ou mokhaznis qui ont subi le même sort. Le chef de la harka de Dahmane-Daala, un nommé Tahar, a été écorché vif.

CAMP DE BENI DOUALA (département de Tizi-Ouzou 
Aux Beni-Douala, un camp de représailles et de tortures a été ouvert dans les locaux de la SAS du Capitaine Oudinot. Les harkis de la région y ont été internés. Certains, dont le harki Belkacem, ont eu les paupières cousues, ont été maquillés et habillés en femmes, puis promenés dans le village.

Voici d'autres camps de prisonniers dont l'existence a été révélée par l'association des anciens SAS, grâce aux témoignages de détenus ayant réussi à s'évader.

CAMP DE BOIS SACRE
C'est un ancien centre de repos des Sahariens. Il est situé à 1,5 km de Gouraya. Il est occupé par une katiba depuis juillet et des prisonniers y sont détenus depuis cette date.
Ex-harkis : cent y étaient internés vers le 15 juillet. Cinquante ont été exécutés vers le début d'août. Il n'en restaient plus que vingt au début de septembre.
Européens : Quelques-uns ont été tués. Malheureusement les renseignements sont devenus très rares. Ils émanent de très rares prisonniers qui ont réussi à s'échapper. C'est ainsi qu'un ancien harki évadé est témoin que X ... (un Français) a été enlevé le 14 juillet dans les environs de Marceau, puis transféré dans ce camp et enfin exécuter quelques jours après dans les conditions suivantes : ligoté à un arbre, émasculé, les mains et les avant-bras coupés. Ce camp est connu, régulièrement repéré d'avion, d'où l'on peut voir les Européens et les musulmans détenus installés dans des baraquements sur la plage. Les djounouds (soldats de l'ALN) ont tous les droits sur ces prisonniers.

CAMP DE SIDI-SLIMANE
Situé à 15 km au sud de Fontaine-du-Génie
D'après un témoin évadé, les prisonniers sont employés à des travaux de piste toute la journée (juillet et août). Si le travail est insuffisant, les intéressés sont roués de coups jusqu'à la mort.

CAMP DU DOUAR RIDANE
Situé à 15 km au sud-ouest d'Aumale.
En juillet, tous les harkis de la région y ont été rassemblés et divisés en deux équipes. Chaque soir, l'équipe qui avait eu le moins de rendement était exécutée avec les raffinements habituels. Tous les gradés de ces anciennes harkas ont été tués. Un sergent de 23 ans (quatre citations, médaille militaire à titre exceptionnel ) est mort d'épuisement après quatre jours de tortures.

On peut encore citer d'autres camps : camps de Marceau, de Bousemane, de Dupleix ...

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