7.3 - Albert Dovecar et Claude Piegts : leur marche à la mort a duré 37 minutes

III - Histoire et récits - L'O.A.S.

1 - Albert Dovecar : Vive l'Autriche Vive la Légion
Claude Piegts : Vive l'Algérie française

2 - Messe de Requiem pour Albert Dovecar et Claude Piegts - Nice 9 septembre 2012 - 10 heures

3 - Les suppliques de Karoline Dovecar auprès du chef de l’État - De Gaulle interdit les prières fussent-elles privées de "ses condamnés à mort"

4 - Cérémonie à la mémoire de Bobby Dovecar sur sa tombe rénovée à Graz en Autriche - juin 2015

 

 

1 - Albert Dovecar : Vive l'Autriche Vive la Légion
Claude Piegts : Vive l'Algérie française

Le jeudi 7 juin 1962, des précautions extraordinaires sont prises à Fresnes. Des C.R.S., des gardiens de la paix s'échelonnent sur la route nationale 186 qui longe les murs de la prison.

Le long des trottoirs, pare-chocs contre pare-chocs, des camions sont alignés. Les projecteurs balaient les bâtiments et le ciel. Devant le portail ouvert, des voitures-radio, des camionnettes de la police.

Depuis le 23 mai 1954, on n'avait assisté à pareil déploiement, à pareille fête. Ce jour-là trois hommes de la Gestapo de la rue de la Pompe ont été passés par les armes au Fort de Vincennes. Cette fois c'est au Fort du trou d'enfer, à 27 km de Fresnes, dans la forêt de Marly. Les préparatifs de l'exécution n'ont été connus qu'à deux heures du matin. Un quart d'heure auparavant, des inspecteurs s'étaient rendus au domicile des avocats pour les conduire auprès de leurs clients.

Vers 2 heures 30 un important cortège pénètre dans la prison : avocats, magistrats et officiers. Dans le couloir où s'engage le cortège, quatre cellules sont gardées par des gendarmes en armes. Seule la cellule du général Salan n'est pas éclairée.

Albert Dovecar  et Claude Piegts dorment profondément. Après avoir passé une partie de la journée ensemble, ils se sont couchés hier soir sans appréhension; au contraire, ils ont repris courage, ils se croient sauvés. on ne va pas les fusiller après  68 jours de chaînes. D'autres indices, comme la lettre du général Jouhaud au général Salan, laissent présager un climat nouveau et pour, Bobby Dovecar, une intervention de l'ambassade autrichienne est bon signe. Dans le silence le cortège s'arrête devant la cellule de Dovecar; il sera réveillé le premier. Le procureur lui touche l'épaule
- Réveillez-vous, soyez courageux.
Couché en chien de fusil, tourné vers le mur, vêtu d'un pyjama bleu foncé, Dovecar dort comme on dort à 25 ans. Il faut insister. Bobby, appuyé sur son coude, reste tout d'abord inconscient; il regarde le procureur sans comprendre; puis, apercevant son avocat, il réalise.

Il bondit de son lit sans un mot, sinon pour refuser le vêtement civil qu'un gardien lui tend. Il est soldat, il partira en soldat. Le sergent Dovecar endosse l'uniforme de parachutiste avec son béret vert de la Légion et autour du cou le foulard vert du 1er REP. Avec une épingle de nourrice, il accroche ses décorations. (...)

Le même cérémonial se produit dans la cellule de Claude Piegts qui, lui aussi, à son réveil, fait peine à voir. Il reprend vite le dessus, mais il est bouleversé lorsqu'il apprend que son compagnon part également : il pensait que Bobby était épargné. Avec le même courage Claude Piegts se prépare : il revêt son costume civil et noue un foulard tricolore autour de son cou.

On le sent quelque peu nerveux, moins détaché : peut-être chez Bobby ses ascendances catholiques le portent-elle davantage à la sérénité.

Claude Piegts remet deux lettres, une pour son frère, l'autre pour sa femme. Après s'être confessé il rejoint Dovecar dans le couloir. Tous deux s'étreignent. On assiste alors à ce spectacle insolite. Tout le monde est d'accord pour parler à voix basse afin de ne pas réveiller le général Jouhaud, lui aussi condamné à mort. -"Faites doucement dit Piegts avec calme, il pourrait croire que c'est pour lui." C'est presque un départ sur la pointe des pieds.

Les deux hommes sont conduits au greffe pour la levée d'écrou. On leur enlève quelques instants les menottes  pour qu'ils boivent un peu de vin chaud. Seul Dovecar en boit une gorgée.

Ils font alors une déclaration qui est enregistrée. Celle de Piegts est une protestation. Pour signer leur déclaration, on glisse une plume entre leurs mains enchaînées. (...).

Accompagnés chacun d'un aumônier, Dovecar et Piegts montent dans un fourgon cellulaire. Cette marche vers la mort va durer trente sept minutes. (...).

Il est 3 h 35 quand le convoi franchit le portail en direction de Versailles. Un peloton de gendarmes motocyclistes avançant en formation de V ouvre la marche. Viennent ensuite plusieurs voitures de police, trois fourgons cellulaires, une dizaine de voitures contenant les avocats et fonctionnaires de toutes sortes et, pour fermer la marche, un rideau de gendarmes. (...).

L'aube pointe lorsque la forêt de Marly est atteinte. Le ciel est sans nuage. Au bout de l'allée qui mène au Fort se détache une lugubre masse grise : c'est un dépôt de l'armée. Les voitures s'immobilisent dans la cour. Les deux pelotons composés chacun de douze hommes (4 sergents , 4 caporaux et 4 soldats) en treillis, casqués, l'arme au poing, sans signe distinctif, sont en place. Ils attendent à 6 mètres des deux poteaux plantés devant un petit talus.

Les deux suppliciés refusent le bandeau noir. Claude Piegts tient à la main une croix en céramique, Albert Dovecar serre son foulard de parachutiste. Un ordre bref retentit. L'adjudant chef qui commande le peloton lève son épée.

Claude Piegts crie : "Visez au cœur", puis "Vive l'Algérie française".

Albert Dovecar lance : "Vive l'Autriche ... Vive la Légion" ../..

Il est 4 h 12 quand les deux salves simultanées déchirent le silence du matin. Les coups de grâce. Le petit jour se lève sur les frondaisons.

Les deux corps sont décrochés. Le sang se perd dans la rosée; sur le foulard vert de Dovecar déjà rougi se détache en lettres noires la devise célèbre depuis Zéralda : "On ne peut demander à un soldat de se parjurer".

Les deux aumôniers à genoux se recueillent. C'est la mise en bière.  Dans un fourgon aux rideaux noirs baissés, on dépose les cercueils. Sous le porche du fortin, les soldats présentent les armes. Par la route de Versailles, le convoi qui ne se compose plus de quelques voitures escortées par vingt motards, gagne le cimetière de Thiais.

L'inhumation a lieu dans la division 8, dans une terre que le Pouvoir connaît bien : au même endroit, en 1945, Pierre Laval et Jean-Hérold Paquis avaient été enfouis, parmi les broussailles. Dans ce carré des suppliciés, tandis que le deux aumôniers récitent une dernière prière sur les tombes fraîchement creusées, les dépouilles sont mises en terre, celle de Dovecar d'abord, puis celle de Piegts.

Un commissaire précipite la cérémonie : les photographes juchés sur les murs de la nécropole sont pris en chasse par les gardiens de la paix.

A 5 h 40 tout est terminé.

 

 

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La Chapelle de Notre Dame du Cap Falcon, rapatriée d'Oran au Cap Brun à Toulon

"La mère se tenait debout douloureuse"

 

42

Notre Dame des Douleurs

"Elle vit son doux enfant dans la désolation à l'heure où il rendit l'esprit.
Permets qu'avec toi je pleure pour souffrir avec le crucifié et cela tant que je vivrai"

 

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