7.2 - Jean-Jacques Susini : Interviews

 III - Histoire et récits - L'O.A.S.

2 - Interview du 20 novembre 2008 - N° 1888 - Le Point - Propos recueillis par Philippe Houart et François Malye.

Né à Alger en 1933, militant d'extrême droite, Jean-Jacques Susini préside en 1959, l'Association générale des étudiants d'Algérie. Interné à la prison de la Santé à l'issue de la semaine des barricades, il s'enfuit en Espagne, où il crée, à Madrid en février 1961, avec le général Raoul Salan, Pierre Lagaillarde et Joseph Ortiz, l'Organisation de l'Armée secrète. De 1962 à 1968, il vit sous une fausse identité en Italie. Condamné deux fois à mort par contumace par la cour de sûreté de l'Etat, il est amnistié par De Gaulle en 1968. Il a été candidat du Front National aux élections législatives de 1997 dans les Bouches du Rhône.

Q : "L'OAS a-t-elle commis des actes que vous regrettez"

R : Politiquement oui. L'attentat contre le domicile d'André Malraux, où la jeune Delphine Renard est défigurée par l'explosion d'une de nos bombes, est une erreur. Tout comme l-opération des centres sociaux à Alger où sont tué six éducateurs, dont l'écrivain Mouloud Feraoun. Mais les derniers mois tout devenait de plus en plus difficile à maîtriser. La montée de l'angoisse nourrissait les décisions les plus radicales.

Q : Quels étaient les atouts qui vous ont fait penser que l'OAS pouvait gagner ?

R : Il faut se rappeler qu'une partie importante de l'armée ne pouvait concevoir que l'Algérie cesse d'être française. Nous étions donc en droit d'espérer que nos amis militaires réagiraient comme ils l'avaient fait le 13 mai 1958. L'OAS devait avoir pour objectif une mobilisation totale de la population européenne d'Algérie. Notre fer de lance devait être les unités territoriales, composées de civils faisant quelques jours de service par mois et dont certaines intervenaient déjà sur le terrain au côté de l'armée. Enfin, il y avait en Algérie de nombreuses troupes musulmanes qui combattaient le FLN depuis plusieurs années et que leurs officiers avaient promis de ne pas trahir.

Q : De quels exemples étrangers vous êtes-vous inspiré ?

R : Deux évènements historiques ont prouvé que le combat d'un peuple conter une puissance illégitime et tyrannique était possible. L'insurrection de Varsovie, d'abord,  où 50.000 hommes attaquent brutalement les troupes de la Gestapo et de la Wehrmacht qui occupent la ville et qui l'auraient libéré si Staline n'avait pas ordonné à l'Armée rouge d'arrêter sa progression. Ensuite, Israël, bien sûr, qui a démontré que le terrorisme pouvait pousser l'occupant anglais à quitter la Palestine en attendant qu'une armée Israélienne soit en état de combattre avec succès les armées arabes.

Q : Il fallait donc déclencher une insurrection

R : Tout à fait.  Nos commandos n'étaient que l'avant-garde. Mais il est vrai que nous n'avons pas réalisé le saut quantitatif voulu. Nous n'avons pas réussi à mobiliser et à contrôler la population pied-noir. Le but était de prendre les bâtiments officiels en espérant qu'une partie de l'armée nous rejoindrait.

Q : Quelles sont les autres raisons qui expliquent l'échec de l'OAS ?

R : La première, et c'est une constatation d'ordre général, la force de caractère s'était affaiblie en France comme dans tous les autres pays développés face à la seule valeur économique. Ensuite, il y avait la méconnaissance de nos officiers à l'égard de la réalité de la guerre révolutionnaire et ce malgré les expériences d'Indochine et d'Algérie. Nous connaissions également une terrible pénurie financière empêchant tout achat d'armes. Le général Salan avait reçu le chef de la CIA en poste à Paris pour obtenir 50.000 armes destinées au combat de rue. Nous n'avons pas eu de réponse. D'Israël non plus. En avril 1962, nous avons donc décidé de prendre contact avec la tendance indépendantiste la plus proche de la France et de sa culture (voir Le Point n°1862 du 22 mai 2008). Un accord a été conclu. Les libéraux d'Alger qui y avaient participé firent une démarche auprès de l'Elysée, qui opposa un refus. Il ne nous restait donc plus qu'à quitter l'Algérie.

 

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Jean-Jacques SUSINI a témoigné dans le documentaire pour FR3
de Christophe Weber:
Le massacre de la rue d'Isly - Alger 26 Mars 1962 - Le grand silence.
Musi
ques originales de Bertrand GRANGEREAU (Durée 55 minutes).

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