6.15 - Le cardinal Duval ou l’instrumentalisation d’un prélat de J-P PISTER.

III - Histoire et récits - Mars 1962 : Barbouzes, tortures, attentats, enlèvements, charniers

Paru dans le bulletin du Cercle algérianiste de Reims en août 2009.

L’actualité récente nous donne l’occasion de réfléchir sur la situation actuelle du Christianisme en Algérie. J’en veux pour preuve la récente nomination d’un prélat jordanien en remplacement de Mgr Teissier, archevêque d’Alger ; la réouverture du dossier de l’assassinat des moines du Tibérine ; les poursuites judiciaires engagées, il y a quelques mois, contre certains citoyens algériens suspectés de christianisme et de propagande évangélique.

L’actualité récente nous donne l’occasion de réfléchir sur la situation actuelle du Christianisme en Algérie. J’en veux pour preuve la récente nomination d’un prélat jordanien en remplacement de Mgr Teissier, archevêque d’Alger ; la réouverture du dossier de l’assassinat des moines du Tibérine ; les poursuites judiciaires engagées, il y a quelques mois, contre certains citoyens algériens suspectés de christianisme et de propagande évangélique.

Si l’on considère le devenir de la religion chrétienne sur la terre de Saint-Augustin, de la fin de la période française jusqu’à nos jours, il faut bien admettre que la figure de Mgr Duval s’impose avec évidence. Nommé évêque de Constantine en 1946, promu archevêque d’Alger à partir de 1954, Léon-Étienne Duval a été élevé à la dignité de cardinal par le pape Paul VI en février 1965. Au moment des douloureux événements qui se sont déroulés de 1954 à 1962, son incompréhension notoire du drame des Français d’Algérie lui a valu d’être surnommé « Mohamed Duval ».

Avec plus de quarante ans de recul, il est légitime pour l’historien de s’éloigner des passions bien compréhensibles de l’époque et de tenter d’appréhender la figure de ce prélat avec un peu plus de distance. Hélas, les sources sont réduites, il faut s’en tenir essentiellement au livre d’entretiens que le cardinal Duval a accordés, au début des années 1980, à la journaliste Marie-Christine Ray. Ceux-ci furent édités en leur temps par les Éditions du Centurion.

A la relecture de cet ouvrage, il faut bien reconnaître que les attaques dirigées naguère contre le futur Cardinal n’étaient pas dénuées de fondement. On apprend en effet, de la bouche de Son Eminence, que dès son arrivée en Algérie, sa religion était faite, si je puis dire, sur l’égoïsme des «colons» et sur «l’aliénation» de la population indigène. Pas la moindre parole de compassion, après plus de vingt ans, à l’égard de la communauté d’origine européenne.

On découvre, entre autres choses, que Monseigneur a totalement récusé les manifestations de fraternisation qui se sont déroulées sur le forum d’Alger en mai 1958, celles-ci n’étant, selon Sa future Éminence, que le fruit de manipulations de l’autorité militaire. Dans le même esprit, l’Archevêque a refusé, à plusieurs reprises, la présence de cette même autorité militaire à des célébrations en la cathédrale d’Alger.Dès 1955-1956, Mgr Duval, c’est lui qui l’affirme, a eu des contacts soutenus avec des représentants du FLN, notamment, par l’intermédiaire de l’abbé Jean Scotto, curé de Bab-El-Oued et futur évêque de Constantine.

Plus tard, au cours des semaines particulièrement tragiques qui vont de la signature des accords d’Évian, en mars 1962, jusqu’à l’indépendance, début juillet, le prélat se félicite d’avoir bénéficié d’une protection rapprochée du FLN pour la sécurité de ses déplacements.

Est abordée ensuite l’époque de l’indépendance et des rapports avec le nouveau pouvoir. Mgr Duval fut donc promu cardinal au début de l’année 1965. Le bruit a couru, à l’époque, que le gouvernement algérien aurait intrigué pour qu’il en soit ainsi. C’est très peu probable quand on connaît les usages qui sont en vigueur à Rome. Plus sérieusement, il est évident que, depuis l’après-guerre, l’Église avait fait le choix de la décolonisation et, sur un plan plus précis, de la bienveillance à l’égard des pays arabes, avec le souci particulier de la protection des chrétiens du Proche-Orient.

N’oublions pas que l’État d’Israël n’a été reconnu par le Vatican qu’en 1993. Peut-être est-il possible de voir dans cette attitude un résidu de l’ancien antijudaïsme chrétien. Toujours est-il que le cardinal Duval constituait une figure de choix pour être instrumentalisé par un gouvernement qui revendiquait son appartenance au monde arabe. J’en veux pour preuve les propos de Son Éminence concernant la première audience accordée par le pape Jean-Paul II à Yasser Arafat, peu après la guerre du Liban, le problème de Jérusalem étant, naturellement, imputé à la mauvaise volonté du gouvernement israélien.

Un moment fort de cette instrumentalisation réside dans la mission que le cardinal Duval a accepté d’accomplir à Téhéran lors des fêtes de Noël, en décembre 1979. Rappelons qu’à cette date les personnels de l’ambassade des États-Unis en Iran étaient détenus en otages, depuis plusieurs semaines, par les « Gardiens de la Révolution ». Le gouvernement islamique accepte alors que quelques ministres du culte se rendent auprès de ces malheureux pour la célébration de Noël. Le cardinal Duval est invité par le gouvernement algérien à se joindre à cette délégation.

Encadré par des membres de l’ambassade d’Algérie à Paris, il se rend donc sur place et accède à toutes les exigences de la dictature islamique. Se trouve ainsi prohibée toute forme de convivialité festive et les prisonniers sont séparés en groupes de quatre pour la célébration religieuse. Alors qu’un pasteur américain refuse de se plier au Diktat des « Gardiens de la Révolution », Mgr Duval s’incline et ne célèbre l’Eucharistie de la Nativité qu’après lecture d’une déclaration d’allégeance à Khomeiny et d’un acte d’accusation d’espionnage concernant les diplomates américains. Bel exemple, particulièrement édifiant, de la soumission d’une autorité spirituelle –ou prétendue telle- à un pouvoir totalitaire….

On l’aura compris, la lecture de l’ouvrage de Marie-Christine Ray n’incite pas, a posteriori,  à une particulière indulgence à l’égard de feu le cardinal Duval. Il est injuste d’accuser les Pieds-Noirs de s’être mépris à son égard. Mgr Duval aurait, paraît-il, déclaré à la mère éplorée d’une des malheureuses victimes enlevées par le FLN au printemps de 1962 «que Dieu rappelle d’abord à lui ceux qu’il a particulièrement aimés». Rappelons donc que son Éminence est décédée en mai 1996, au moment même où on découvrait certains restes des moines de Tibérine. Il avait, alors, atteint l’âge respectable de quatre-vingt-treize ans. Selon la logique exprimée par le Cardinal, si Dieu existe, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne manque pas de discernement !!!!

Jean-Pierre PISTER

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Samedi 5 Juin 2010 sur le net, échange entre Jean-Pierre PISTER et Eric WAGNER

Monseigneur Jacquet a été poignardé en pleine rue d'Alger en juillet 1976 au motif d'une croix pectorale ostentatoire. Cela n'a en rien compromis les "excellentes relations" entre son supérieur hiérarchique le cardinal Duval et les autorités algériennes.
Enfin Monseigneur Claverie a été assassiné à l'entrée de son évêché, à Oran, le 1er août 1996, officiellement par le GIA, plus vraisemblablement par la sécurité algérienne.

Information donnée par Jean-Pierre PISTER en Juin 2010.

En 1988, le pape Jean-Paul II finit par accepter sa retraite vu son âge avancé. Le cardinal est douloureusement affecté par le terrorisme qui a frappé l’Algérie durant les années 1990. Le cardinal Duval meurt le 30 mai 1996 à l’âge de 93 ans. Il est enterré dans la basilique de Notre-Dame d’Afrique.
L'archevêque d'Alger, Mgr Léon-Etienne Duval, avait apporté son concours au FLN avec quelques-uns de ses prêtres comme l'Abbé Scotto. Ils optèrent pour la nationalité algérienne après l'indépendance.

Cardinal DUVAL
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Envoi de Bernadette LEONELLI 12-12-2010

Triste paradoxe !

Ce sont des prêtres avec à leur tête un certain Mgr. Duval qui pendant la guerre d’Algérie contribuèrent largement à mettre au pouvoir ceux qui aujourd’hui persécutent les chrétiens…

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