6.5 - Ces tortures en ces lieux maudits : l'école de police d'Hussein Dey et la caserne des Tagarins à Alger commandée par le colonel Debrosse par Marie-Jeanne Rey - Jean-Jacques Susini

III - Histoire et récits - Mars 1962 : Barbouzes, tortures, attentats, enlèvements, charniers

1 - " Il nous faut aussi aborder le chapitre des tortures qui bouleversaient la population, elles étaient notoires." "Un crime sans assassins" - Introduction - Marie-Jeanne REY. Pages 41-42

2 - Debrosse, un colonel de Gendarmerie, sous les ordres directs de De Gaulle, torturait lui-même ses victimes, qu'elles soient femmes ou hommes.
Extraits de " Histoire de l'OAS " de Jean-Jacques Susini , Edition La table ronde paru en 1963. 

 

 

1 - "Il nous faut aussi aborder le chapitre des tortures qui bouleversaient la population, elles étaient notoires".

L’Armée n’y eut aucune part, ni les fonctionnaires de police locaux qui d’ailleurs furent bien vite déplacés. Originaires du pays ou installés de longue date, ils partageaient les sentiments des Algérois et ne désiraient pas leur faire tort. Le Gouvernement envoya des policiers, inspecteurs et commissaires dont le séjour était limité à deux mois, ils étaient casernés à l’école de police d’Hussein-Dey, ils n’en sortaient pas souvent et jamais sans escorte.

Précautions utiles à leur sécurité. Il convenait aussi de ne leur laisser ni le temps ni l’occasion d’être contaminés en découvrant la vérité des souffrances d’un peuple.

L’école de police d’Hussein-Dey et la caserne des Tagarins, commandée par le colonel de gendarmerie Debrosse, devinrent de ces lieux maudits que l’on ne pouvait voir sans frissonner. Le nombre des personnes torturées est mal connu mais important. Certains moururent ou disparurent, quelques cas seulement furent divulguer.

Madame Salasc [1], femme d’un chirurgien d’Alger, mère de quatre enfants et coupable d’avoir hébergé un membre de l’OAS, endura des traitements ignobles. De nombreux médecins constatèrent la réalité des faits. Le député Mourad Kaouah me parla plus tard du dossier qu’on avait préparé … l’affaire fut étouffée.

Brûlé, « électrifié », empalé, Monsieur Ziano fut torturé dix fois aux Tagarins. (Yan
ZIANO est décédé le 25 novembre 2012 à l'hôpital de la Seine sur Mer à l'âge de 89 ans. Son fils unique était déjà décédé. Source Eric DERRIEN). Le 20 février 1963, il en témoigna au procès de l’attentat du Petit Clamart. Les avocats produisirent des certificats médicaux prouvant la véracité et la gravité des tortures, certificats signés par plusieurs médecins dont un expert près les tribunaux. Monsieur Ziano affirma qu’une trentaine d’autres victimes se trouvaient en même temps que lui aux Tagarins. Il ajouta qu’un officier dont il donna le nom, était venu le visiter alors, se disant mandaté par le général De Gaulle en personne.. L’homme lui apprenait que s’il se plaignait au juge d’instruction de ce qu’il avait subi, il se chargerait lui-même de le tuer. Enfin Monsieur Ziano cita les noms de deux inspecteurs, de deux commissaires et d’un sous-directeur de la Sûreté nationale ayant participé aux sévices.

Voir son témoignage : ICI

En1963, ces policiers étaient honorés, promus

Le Colonel Debrosse, en raison des services exceptionnels qu’il avait rendus, devint général et Directeur de la Gendarmerie. Au même moment, malade, rendu infirme, presqu’aveugle, 1/10 ème de vision à chaque œil, Ziano croupissait en prison dans l’attente d’un jugement, l’amnistie de 1962 ne s’appliquant qu’aux membres du FLN.

Et malgré les preuves accumulées, les autorités judiciaires refusaient toujours d’instruire une affaire de sévices.

Certes la torture  avait déjà été pratiquée à l'encontre de membres du FLN mais il existe à mon avis deux différences essentielles.

Certains de ceux que l'on traquait, voire suppliciait aujourd'hui étaient des militaires français, qui sur ordre du Gouvernement, français, avaient engagé leur parole personnelle envers les musulmans qu'ils avaient poussés vers le combat pour la France. Entre un pouvoir qui se parjurait et ce qu'ils pensaient  être leur honneur, ils avient choisi l'honneur. D'autres étaient des Français qui toute leur vie avaient respecté la loi mais qu'on s'apprêtait à spolier totalement, qui ne pourraient plus jamais respirer l'air de leur pays natal. Certains d'ailleurs n'avaient commis d'autre "délit" que d'opinion. Tous étaient avant tout coupables de n'avoir pas su changer d'avis en mêlme temps que De Gaulle. C'est je pense une première différence.

La seconde est que le FLN avait toujours pu compter sur la compassion active de l'intelligentsia française et d'une partie de la presse, même quand il s'agissait de poseuses de bombes ayant assassiné des enfants. Tout à coup les grandes âmes se taisaient, acceptaient la torture ou hurlaiient, acceptant les pires châtiments, les plus cruels, sur ceux qui ne voulaient pas disparaître. La France profonde se laissaient guider, elle suivait bêtement, il n'y a pas d'autre mot. Les Français d'Algérie et leurs amis étaient seuls, seuls dans leur douleur. L'indifférence les recouvrait déjà comme un linceul. 

Et puis, il y avait les barbouzes. Le Gouvernement en était si peu fier que pendant des années, il nia jusqu’à leur existence.


Le colonel de gendarmerie Debrosse le tortionnaire de la caserne des Tagarins

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