5.2 - Le mensonge d'Evian - Un vrai marché de dupes ! Une trahison politique - Un crime d'Etat

III - Histoire et récits - 1962 Le mensonge d’Evian - Un vrai marché de dupes !

4 - « Les accords d’Évian ? Un vrai marché de dupes ! Interview de Jean-Baptiste FERRACCI  par J.P. CAPPURI -  Corse Matin -  2012

"Notre nouvel invité dans le cadre de cette série, vient de publier un second ouvrage sur le cis a une grande connaissance du sujet. Et pour cause : il a vécu cette guerre d’Algérie « de l’intérieur » pendant plus de trois ans, en sa qualité de reporteur photographe. Civile d’une part. Et comme envoyé spécial du journal l’Aurore, militaire d’autre part (appelés du contingent) et pour le compte de l’hebdomadaire des forces armées françaises Bled. Après avoir publié en 2007 images vécues de l’Algérie en guerre, notre compatriote vient de livrer un second opus intitulé "L’adieu" (1962 le tragique exode des Français d’Algérie) disponible depuis quelques jours en librairies**.

L’occasion, dans le cadre de cette série de témoignages consacrée à ce conflit, de recueillir son point de vue.

Q/ Quand vous êtes arrivés en Algérie (1958) quel sentiment vous a inspiré la lutte de décolonisation dans laquelle s’était engagée une partie de la population musulmane ?

R/ Si tous ceux qui vivaient sur cette terre n’avaient pas le même niveau de liberté et d’égalité (politique, économique et sociale) la population me paraissait attentiste, prudente et, pour une large part, espérait une évolution institutionnelle sans rupture avec la France.

Q/ Mais déjà, la violence était bien présente…

R/ Elle était le fait du FLN, aux méthodes terroristes ignobles. On ne peut se prévaloir d’un combat de libération en s’attaquant des hommes, des femmes, des enfants de toutes les communautés, par la bombe, le fusil, ou le couteau des égorgeurs. Il fallait donc s’opposer à de tels comportements sanguinaires.

Q/ votre statut de reporters (militaires ou civils) vous a conduit à être dépêchés sur les événements les plus chauds. Quels sont ceux qui nous ont le plus marqué ?

R/ C'est en ville, à Alger, que j’ai vécu des épisodes les plus violents. Notamment la fusillade meurtrière du 24 janvier 1960, où j’ai été pris, pendant une vingtaine de minutes, sous le feu de fusils mitrailleurs balayant le Square Laferrière. Il y a eu aussi plusieurs attentats à la voiture piégée, comme celui qui s’est produit sous mes yeux, le 24 décembre 1959, rue d’Isly. Mais c’est dans cette même artère, le 26 mars 1962, que j’ai vécu le pire.

Q/ que pouvez-vous en dire ?

R/ Quand, à l’issue de la fusillade, j’ai parcouru les trottoirs jonchés de cadavres, j’ai éprouvé un sentiment d’écœurement et de colère. Je pense qu’il autorité est de même si j’avais été amené à couvrir les tragiques événements du 5 juillet 1962 à Oran, où un général français a refusé d’intervenir pour aider ses concitoyens victimes d’un véritable lynchage de la part des nouveaux maîtres de l’Algérie.

Q/ A la fin de votre service militaire (avril 1961), vous êtes rentré quelques mois en métropole. Quand vous êtes retourné en Algérie, comment la situation avait-elle évolué ?

R/ malgré la signature de ce marché de dupes ont été les accords d’Évian, le climat s’était gravement détérioré. La violence était partout. La violence était partout. La désespérance avait gagné les Européens d’Algérie et l’opposition des deux communautés était devenue insupportable. Entre le 17 mars 1962, date de cette signature et la fin de cette même année, il y a eu près de 100 000 victimes. Parmi elles, plusieurs centaines de soldats français, plus de 4000 Pieds Noirs et environ 80 000 harkis !

Q/ En tant que militaire, avez-vous ressenti, de la part d’une frange de la population de la métropole une forme de rejet ?

R/ Je n’ai jamais eu honte d’avoir participé à ce conflit car j’ai toujours estimé avoir fait mon devoir en tant que français d’une part, et en tant que Corse d’autre part. N’oublions pas que près de 10 % des Pieds Noirs étaient d’origine Corse. Gardons aussi en mémoire que notre île fût le seul département à voter majoritairement non au référendum de de détermination, et que c’est sans doute en Corse que les Pieds Noirs déracinés (d’origine Corse ou non) ont été le mieux accueillis.

Q/ Comment expliquez-vous que l’armée française ait été si sévèrement critiquée ?

R/ Une certaine intelligentsia composée de pseudo bien-pensants s’est emparée du sujet en présentant tous les soldats ayant servi en Algérie comme des tortionnaires. Des accusations qui émanaient souvent de complices conscients ou inconscients du terrorisme. C’est oublier que les soldats français faisaient également l’école dans les douars les plus reculés, soignaient, administraient, aidaient les populations qui avaient beaucoup à craindre des terroristes, assassins de civils désarmés et innocents.

« La violence était partout »

Q/ en tant que journaliste, que vous inspirent les critiques visant la presse française, accusé de ne pas avoir, à l’époque, assez bien informer l’opinion publique de la métropole ?

R/ Pour les médias, il était difficile, voire impossible d’avoir une vision correcte des objectifs politiques du gouvernement de l’époque. La population métropolitaine ne comprenait strictement rien au conflit, qu’elle ne connaissait d’ailleurs qu’à travers les récits de ses enfants partis combattre là-bas, pour une cause dont on ne leur avait jamais bien expliqué la finalité. Quant à la médiatisation des événements qui se sont déroulés après le 19 mars 1962, il est indéniable que les médias français, pour la victoire, pas su informait objectivement la population métropolitaine. Plusieurs titres de la presse écrite nationale de l’époque avaient d’ailleurs un caractère éminemment partisan.

Q/ Estimez-vous, comme certains, que l’État s’est rendu coupable de beaucoup de mensonges et de non-dits pour justifier ses positions ?

R/ C’est une évidence. Interrogé sur l’acte de trahison le plus rude retentissant de la Ve République, Alain Duhamel a répondu sans hésiter : « celui du général De Gaulle vis-à-vis des Français d’Algérie ». Le manque de clairvoyance ainsi que l’absence d’humanité et de compassion face aux drames vécus sont proprement ahurissants.

En 1958, il s’était pourtant voulu rassurant…

Un simulacre pédagogique ! Il est clair que, dès son arrivée au pouvoir, son intention était d’agir pour l’indépendance. Mais il était beaucoup trop intelligent pour dévoiler d’emblée ses objectifs. Les conséquences de cette trahison ont été inhumaines, tant pour le million de pieds noirs que pour beaucoup d’algériens.

Q/ Comment qualifiez-vous l’attitude de la France vis-à-vis des harkis ?

R/ Scandaleuse. Ils ont été lâchement et honteusement abandonnés comme l’ont également été les Moghaznis, groupes mobiles de police rurale et d’autodéfense qui avaient choisi de s’engager aux côtés de la France. Heureusement, quelques officiers et quelques unités ont outrepassé les ordres pour les protéger et les conduire en métropole où, souvent, ils ont survécu dans des conditions indignes. Cela a été passé sous silence par les bonnes consciences françaises qui n’ont pourtant pas manqué de s’incliner devant les quelques victimes des forces de l’ordre appelées à réprimer, à Paris, une manifestation FLN qui n’avait rien de Pacifique.

Q/ Le phénomène de l’exode et le thème de votre second livre sur l’Algérie. Quelle réflexion vous inspire-t-il ?

R/ En signant les accords d’Évian, la France n’a obtenu aucune garantie réelle et significative, ni pour les Français d’Algérie ni pour les harkis. De Gaulle avait estimé qu’environ 400 000  personnes quitteraient l’Algérie en quatre ans. En fait, ils furent près d’un million en quatre mois, harkis non compris ! Si la France l’avait voulu, l’exode aurait pu être organisé, canalisé. Au lieu de quoi, il s’est agi de l’une des plus grandes migrations de notre histoire dans des conditions d’improvisation inimaginable.

« Les harkis ont été abandonnés »

Q/ Quel sentiment vous inspire cet ultime épisode de la guerre d’Algérie ?

R/ De la tristesse devant l’abandon d’une terre qui n’était pourtant pas la mienne mais que des hommes et des femmes avaient façonnée, développée, modernisée, aménagée, pour en faire une perle du pourtour méditerranéen. De la honte devant le désarroi de ces pauvres gens, forcés de tout abandonner du jour au lendemain et que l’on accueille en métropole dans l’indifférence.

Q/ Qu’est ce qui aurait pu éviter cette guerre d’Algérie ?

R/ La France n’a pas su, selon moi, saisir les nombreuses occasions qui se sont offertes à elle, de réunir les conditions d’une paix durable. Par ailleurs, il faut aussi admettre que la découverte en Algérie de pétrole, gaz naturel et autre richesses, a aiguisé les appétits de certaines grandes puissances qui, pour tirer les marrons du feu, ont largement soutenu la rébellion.

Q/ Et qu’est-ce qui, concrètement, aurait pu permettre à ce conflit de connaître une issue globalement favorable à tous ?

R/ Il aurait fallu que De Gaulle ne fasse pas du FLN son unique interlocuteur, alors qu’il existait des indépendantistes plus ouverts au maintien d’un lien avec la France. Cela dit, la poussée de l’intégrisme islamique avait déjà commencé à gangrener l’Algérie.

Q/ Etes-vous surpris par le battage, 134 médiatique fait autour du 50e anniversaire des accords d’Évian, alors que la guerre d’Algérie a été un sujet tabou pendant un demi-siècle ?

R/ pour la nation entière, elle a été une sorte de maladie honteuse dont il fallait éviter de parler. Sinon pour accuser l’armée, les Français Algérie et les Harkis. Sur ce point, les chaînes de télévision (publiques en particulier) continue à avoir un comportement scandaleux en programmant certains films et en organisant des débats qui, à travers le choix des invités, relève plus de la torche que de l’impôt. Comme il s’agissait encore et toujours de démontrer que les méchants étaient du côté de la France et les bons, dans le camp du FLN. C’est insupportable. Heureusement la parole c’est un peu libéré dans certains médias (écrit en particulier) pour que certaines vérités soient enfin rétablies

Jean-Paul Cappuri - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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